Elle, Natasha, a 22 ans et étudie les relations publiques et publicité. Lui, Antoine Vernitskiy, poursuit des études de journalisme, en 3e année de bachelier. Tous deux suivent leur cursus à l’Université d’État de Moscou. La fierté pour leur pays réunit ces jeunes moscovites, mais chacun propose sa propre vision des médias russes. En tant que maillons de la chaîne médiatique de demain, ils nous ont livré leurs impressions sur l’image que renvoie leur pays à travers la presse russe et étrangère.
“Tout ce qu’on entend sur la Russie ne définit pas ce que nous sommes”
Natasha a étudié les langues étrangères. Elle a effectué un échange durant six mois à l’Université d’État de New York. Malgré l’amour qu’elle porte à son pays et sa culture, elle réalise que la Russie ne renvoie pas toujours une bonne image : « peut-être que nous donnons l’impression que nous ne sommes pas le meilleur exemple en matière de politique, mais ça ne change pas mon opinion quant au fait que notre pays est un des plus grands ». Selon elle, les médias étrangers et notamment européens propagent une certaine image du pays qui est peut-être biaisée, mais pas totalement fausse. « Tout ce qu’on entend sur la Russie ne définit pas ce nous sommes en tant que personnes. Malgré que nous soyons considérés comme agressifs, nous sommes des gens amicaux, nous avons beaucoup de culture et lisons beaucoup ».
Antoine partage cet avis. Selon lui, les Russes sont perçus par le monde comme les “mauvais”. « Peut-être est-ce dû au fait que nous ne sommes pas aussi ouverts d’esprit que d’autres. Mais nous ne sommes pas des démons, et pas aussi étranges que les Européens peuvent le penser. Il faudrait juste que vous parliez plus avec nous, pour le comprendre. En dehors de la politique, je pense que nous pouvons établir un dialogue. Ça aiderait à arrêter cette mauvaise compréhension et relation entre la Russie et les autres pays. Mais ce conflit est uniquement politique”. Il pense que l’histoire a joué un grand rôle dans la manière dont les autres nations les perçoivent. “Nous n’avons pas de mauvaises pensées sur vous ».
« Maintenant, ils essaient même de censurer Internet »
Natasha nous explique sa vision des médias russes et aborde la question de la censure, un thème cher aux Européens qui revient souvent dans les débat. Natasha y répond sans problème. Cette question ne l’ennuie pas, au contraire, le fait d’en parler fera peut-être changer les choses. « Je pense qu’il y a un haut degré de censure en Russie. Et ça ne fait qu’empirer. Maintenant, ils essaient même de censurer Internet ».
En 2014, une nouvelle loi est entrée en vigueur. Elle concerne la surveillance des communications. Les blogs et les pages des réseaux sociaux influents (plus de 3000 visites par jour) sont désormais sous contrôle et soumis à des obligations similaires à celle des médias traditionnels. « Ils ne peuvent pas parler de tabous, utiliser des jurons ; ils sont tout simplement censurés. Pourtant, ce sont des gens normaux qui ont beaucoup de pages vues. Quand tu es populaire, tu dois t’inquiéter de ce que tu dis ». Mais ça ne s’arrête pas là. « Les sites étrangers comme Facebook, Twitter sont également mis sous pression par les autorités » qui, via cette même loi de 2014, exige le stockage des données des internautes sur le territoire russe sous peine d’une sanction (de l’amende au blocage du site).
« Heureusement nous avons encore accès aux médias étrangers ! »
Aux yeux de Natasha, il y a une grosse différence entre la télévision et les journaux en Russie. La télévision est la plus populaire. La plupart des chaines de sont détenues par l’État, très peu sont indépendantes. « Il y a beaucoup de chaines de divertissement et au niveau de l’information, ce qu’ils disent, c’est ce que le gouvernement et le président racontent. TV Dozhd est une des seules chaines indépendantes, mais le gouvernement leur met la pression. Maintenant, ils diffusent uniquement sur internet. Les journaux, eux, sont plus petits, mais plus indépendants. Bien que certains journaux soient également tenus par le gouvernement, comme Rossiyskaya Gazeta, qui répand la propagande ».
Elle avoue ne jamais savoir si ce qu’elle regarde à la télévision ou lit dans la presse écrite est censuré ou non. Cette pensée lui traverse l’esprit à chaque fois qu’elle s’informe.
Pour avoir les idées claires, elle lit également la presse étrangère. « Heureusement nous avons encore accès aux médias étrangers ! Je compare les différents points de vue ». Mais Natasha n’est pas dupe, elle se méfie également de ce qui est dit à l’étranger : « chaque pays va chercher à se défendre. Avec la guerre et l’annexion de la Crimée, pour l’Europe, la Russie est l’ennemi et pour la Russie c’est l’Europe ».
Concernant les médias, Antoine Vernitskiy a une vision assez différente. Il ne s’attarde pas sur le sujet : « Je ne pense pas que nous ayons autant de propagande que ce que les Européens pensent. Si tu allumes la télévision, tu ne verras pas une forte propagande. Ce n’est pas comme ça. Nous avons des chaines normales ».
Jeunes étudiants moscovites, Natasha et Antoine sont fiers de leurs racines, malgré leurs opinions divergentes quant aux médias. Ils sont néanmoins tous deux conscients que des efforts restent à faire dans la politique interne et externe de leur pays. Leur parole reflète un désir de changement.
Oui, mais ici, a-t-on la liberté de penser?
https://youtu.be/2Z9n63iJK-E