Les activités estudiantines impliquent fréquemment la consommation excessive d’alcool. La problématique est souvent abordée dans les médias, de même que celle du ‘binge drinking’, soit l’absorption d’une grande quantité d’alcool en un laps de temps très court. Vincent Lorant, professeur à l’Ecole de Santé publique de l’UCL et auteur de plusieurs recherches sur l’alcoolisme chez les jeunes, nous fait part de ses constatations préoccupantes.
Vos recherches ont montré que les étudiants consomment une importante quantité d’alcool lors de leurs activités. Y voyez-vous un problème de société ?
Vincent Lorant : Je ne dirais pas que c’est un gros problème, mais c’est en tous cas un problème fréquent. La majeure partie des jeunes, en l’occurrence les étudiants, ont une consommation d’alcool raisonnable. Mais il y a néanmoins une proportion non négligeable d’étudiants qui ont une consommation d’alcool préoccupante, c’est-à-dire qu’ils boivent plusieurs fois par semaine. Pour vous donner quelques chiffres, environ 45% des étudiants boivent plus de deux fois par semaine et 40% d’entre eux pratiquent le ‘binge drinking’.
Certains étudiants seraient plus ‘à risque’ que d’autres. Etes-vous de cet avis ?
V.L. : Tout à fait. Nos recherches ont montré que les jeunes étudiants, ainsi que les nouveaux arrivants, sont plus à risque. Par ailleurs, ce problème touche davantage les garçons que les filles. Nous avons également constaté que les étudiants actifs dans le folklore estudiantin, comme les baptêmes ou les cercles, sont plus concernés par ce problème étant donné qu’ils sont actifs dans beaucoup d’activités. La taille du kot est également importante. Les étudiants logeant dans un grand kot boivent plus que ceux habitant dans un petit kot, moins propice à la fête.
Pourriez-vous préciser quelle est la quantité moyenne d’alcool consommée par les étudiants ?
V.L. : La consommation moyenne sur la semaine est de 15 verres, avec un écart-type de 14, ce qui veut dire qu’il y a de grandes différences, allant de un à quinze verres.
Quelles sont, d’après vos recherches, les causes de cette problématique ?
V.L. : Les causes sont principalement sociales. Elles sont liées à la grande accessibilité du produit qui est quand même relativement bon marché. De plus, l’alcool est davantage accessible sur les campus étudiants comme à Louvain-la-Neuve ou à Alma. Par ailleurs, 22 % des étudiants déclarent que leur consommation a fortement augmenté depuis qu’ils sont à l’université. Ce qui laisse supposer que la transition vers l’université entraîne une modification de la consommation.
L’alcool étant une boisson addictive, y-a-t-il des conséquences directes sur l’étudiant ?
V.L. : D’une manière générale, les résultats de nos recherches montrent qu’il y a des conséquences sur ses études. L’étudiant obtient des résultats scolaires moins bons qui s’expliquent par le fait que l’alcool a un impact direct sur son sommeil. Dans les cas extrêmes, l’étudiant pourrait ne pas terminer son cursus.
La problématique est préoccupante. Pensez-vous que des solutions soient possibles pour remédier à ce problème ?
V.L. : Je dirais que les deux principales choses à faire, si l’on veut contrer ce problème, seraient de réduire l’accessibilité du produit et d’en augmenter le prix. Mais l’augmentation du prix est un facteur qui est plus à la portée des pouvoirs publics. Malheureusement, en Belgique, il n’y a pas de consensus là-dessus.
Propos recueillis par Gaëlle Mousset.