On n’avait jamais réellement entendu parler du quartier du Peterbos avant cette semaine. Un quartier situé dans la commune d’Anderlecht et composé d’une dizaine de HLM. Mais depuis que deux vidéos sont apparues sur le net, le Peterbos fait la Une des journaux et des sites d’infos partout en Belgique. Dans la première, des contrôleurs de la STIB se font attaquer par une bande de jeunes. La deuxième montre une équipe de la VRT agressée à jets de pierres. On lit ici et là que le Peterbos est devenu un quartier incontrôlable où règne la terreur. On a alors décidé d’y faire un tour pour aller à la rencontre des jeunes de la cité.
Le calme après la tempête
Peu avant notre départ, ce mercredi, on lit sur internet qu’une vaste opération policière est en cours. Tous les médias relaient les mêmes informations : plus de 30 policiers sont présents. Ils contrôlent toute personne qui circule dans le quartier, fouillent au peigne fin certains blocs d’appartements et arrêtent même plusieurs personnes. À ce moment-là, on hésite. On y va ? On reporte ? On se décide finalement. Une demi-heure plus tard, on arrive sur place.
« Ça n’arrête pas. Depuis le début de la semaine, je suis sollicité de tous les côtés par des journalistes. »
L’endroit est calme voire même paisible. Des fourgons de police sont sur place mais il n’y a aucune agitation. Les allées piétonnes longent les immeubles. De nombreux espaces verts, sommairement entretenus, entourent tout le quartier. Le soleil fait son apparition. Dehors, des enfants jouent au foot sur un vieux terrain en béton entouré de grillage. Des personnes âgées se promènent, des parents ramènent leurs enfants de l’école et quelques personnes discutent sur un banc. On reconnait l’une d’elles. Il s’agit de Khalid Eladdaoui, coordinateur de la maison des jeunes D’Broej au Peterbos. On l’accoste et, directement, il nous parle de la situation actuelle : « Ça n’arrête pas. Depuis le début de la semaine, je suis sollicité de tous les côtés par des journalistes. »
Loufti, un ami de Khalid vient à notre rencontre. Dans sa chemise bleue et ses chaussures en cuir, il dénote de l’image des habitants du Peterbos véhiculée par les médias. Il nous explique que D’Broej est la seule association à prendre des initiatives dans le quartier. De plus, l’asbl est uniquement subsidiée par la VGC, la Commission communautaire flamande. Pour Loufti, c’est un signe que la région et la commune ne font plus rien pour la cité.
Le Préfab’, lieu de partage
Khalid nous invite à nous rendre au “Préfab'”, un petit bâtiment en plaques de métal préfabriqué amené par la commune il y a une quinzaine d’années. Tous les mercredis après-midis, des jeunes s’y retrouvent pour participer à des activités encadrées par des éducateurs.
De l’extérieur, l’endroit semble triste et froid. Des tags ornent les murs, de la mousse se développe et des mauvaises herbes poussent tout autour. En-dessous des fenêtres, des plaques de bois ont été posées pour colmater les brèches. Mais à l’intérieur, Reda nous accueille chaleureusement. Reda est éducateur spécialisé chez D’Broej. Aujourd’hui, c’est lui qui a ouvert le Préfab’ aux jeunes du quartier pour qu’ils puissent passer du temps ensemble. Ils sont une quinzaine, âgés de 12 à 25 ans. La plupart sont habillés en training avec un t-shirt et des baskets. Ils se sentent comme chez eux, à l’image de cette affiche qui pend au mur avec l’inscription « ce local est aussi le vôtre ».
Un match de ping-pong est en cours. Quatre jeunes s’affrontent sous le regard et les encouragements de leurs amis. D’autres font une partie de Risk, règlent leurs comptes au Uno ou se défient aux échecs. Tout ce petit monde rigole, se chambre et surtout s’amuse. Ils sont à mille lieues du déchaînement médiatique qui leur semble tellement exagéré. L’opération de police n’a, apparemment, pas causé tellement de remous. Reda, confirme. « Ce genre d’opération, c’est bien beau, mais le faire une seule fois, ça ne va pas changer les choses. Les dealers reprendront normalement leur trafic de drogue dans une semaine quand la situation se sera calmée. Il faudrait que la police soit présente sur la durée pour que ce soit efficace. »
Ce qui marque dans ce lieu, c’est la fraternité. Malgré une différence d’âge relativement importante entre les plus jeunes et les plus âgés, tout le monde se connait et se respecte. Pour Reda, « 90% des jeunes du quartier sont comme ça. Il y a juste une extrême minorité qui fait des conneries. C’est cette minorité qui fait le plus de bruit et cela donne une mauvaise image du Peterbos. Il ne faut pas généraliser, mais on ne peut pas non plus sous-estimer le problème. »
Le foot, fierté du Peterbos
Un des jeunes nous invite à taper la balle. Il s’appelle Younès. Il est l’entraîneur de l’équipe “minimes” de mini-foot du Peterbos. Ce soir, ses petits protégés jouent un match capital à Molenbeek. En cas de victoire, ils seront champions. On nous propose d’assister au match. On accepte.
« C’est pour eux qu’on a peur. Peur qu’ils soient stigmatisés à l’école et en dehors du quartier. Tout ça à cause d’une minorité de délinquants. »
Quelques heures plus tard, on retrouve Younès au complexe sportif du Sippelberg. Pour ses joueurs, âgé de dix à douze ans, l’agitation au Peterbos n’est rien comparé à l’enjeu de cette rencontre. Mais ils peuvent compter sur le soutien de leurs nombreux supporters présents. Le club de mini-foot du Peterbos est une grande fierté pour ses habitants. Dans les tribunes, on retrouve certains jeunes rencontrés au Préfab’. Ils sont là pour encourager le club du Peterbos, peu importe le niveau. L’un d’eux pointe les enfants du doigt. « C’est pour eux qu’on a peur. Peur qu’ils soient stigmatisés à l’école et en dehors du quartier. Tout ça à cause d’une minorité de délinquants. »
Sur le terrain, les petits sont stressés. Younès donne de la voix et essaie de transmettre ses consignes. Les supporters continuent de les encourager mais la défaite se profile. Les mines sont grises. Les plus âgés remontent le moral des plus jeunes. Et ça paie. À la dernière minute, le Peterbos s’impose. « On est champions ! » lance Younès. Ce soir, en rentrant au quartier, on parlera du titre de champion bien plus que des titres de journaux.
Gilles Costenoble et Thomas Durant