L’ovni Jan Fabre a investi les hauts lieux de la capitale wallonne. A Namur, une statue en bronze de l’artiste anversois, perché sur une tortue géante, regarde la ville, mesure les nuages depuis la Citadelle et partage son briquet avec les passants dans le jardin du Mayeur. Dans le musée Rops, les œuvres de l’artiste namurois du XXème siècle et celles de Jan Fabre se font face et forment un tout. Surprenant, insolent, parfois nauséeux, ce mélange détonnant nous plonge dans les abîmes de l’âme humaine.
Comme une vague impétueuse qui réveille les salles poussiéreuses du musée de la rue Fumal, Fabre s’infiltre parmi les œuvres de l’artiste namurois Félicien Rops. Les réalisations des deux artistes qu’un siècle entier sépare se rencontrent, se lient et s’entrechoquent. Les toiles de Rops, fidèles au poste, sont revisitées par l’œil vif et piquant de Jan Fabre. Les nuits parisiennes de Rops affrontent celles d’Anvers de Fabre, tandis que les dessins d’insectes du peintre namurois font face aux sculptures en coquilles de scarabée de l’impassible flamand.
Du sang, du sperme et des larmes
Si les thématiques de ces deux avant-gardistes sont semblables, le choc des techniques utilisées est audacieux. Quand Rops s’en tient au crayon et aux pastels, Fabre apporte un coup de modernité sans précédent en réalisant des tableaux entièrement au stylo bleu. Dans sa folie créatrice, Fabre va jusqu’à utiliser son sang, son sperme et ses larmes pour exprimer sa vision plurielle de l’art. L’homme dans tous ses états devient une œuvre à part entière. Ses fluides corporels et ses sécrétions sont sublimés et s’inscrivent au cœur du processus de création artistique. A travers une démarche ouvertement introspective, Fabre se liquéfie littéralement de part et d’autre de l’exposition. Les œuvres transpirent le satanisme et suintent un érotisme à la limite de la misogynie. Sans détour, Fabre fait une ode crue et fantasque à la vie, au corps humain et à sa pièce maîtresse : le cerveau.
Fabre, un artiste en bronze
L’influence des réalisations de Fabre dans la capitale wallonne ne se limite pas aux quatre murs du musée Rops. De la place Saint-Aubain à la place du Théâtre, le créateur excentrique a répandu des autoportraits sculptés en bronze plus espiègles les uns que les autres. Tantôt maître des étoiles sur le foyer du théâtre, tantôt gardien des nuages sur une échelle en haut de la Citadelle, Fabre défie les lois de la nature et est toujours là où l’on ne l’attend pas. S’il est regrettable que certaines œuvres (comme « L’Homme qui porte la croix », place Saint-Aubain) ne soient pas accessibles au public ou restent hermétiques par manque d’information, Fabre a toutefois amplement réussit son pari.