En 1972, Uzun, avait 18 ans et était déjà considéré comme un terroriste par les autorités turques. D’origine kurde, il faisait partie d’un mouvement révolutionnaire, qui s’était donné comme mission de combattre le fascisme. Cela lui valut d’être emprisonné pendant 10 ans et 3 mois, pendant ce qui aurait dû être la plus belle époque de sa vie.
Torturé pendant 4 mois, il ne ressentait pas de culpabilité, contrairement aux autres prisonniers pour qui c’était très dur à vivre. Il explique avoir su dès le départ que ce serait le prix à payer pour ses convictions. Il continua même de publier des articles sous un faux nom, dans un journal communiste de Turquie. Solidaires jusqu’à l’extrême, les prisonniers politiques se « partageaient » les séances de torture pour les éviter aux plus âgés.
Règne de l’argent
Ils essayaient également d’obtenir de meilleures conditions d’incarcération aux autres prisonniers. Les tâches ménagères, telle que la préparation des repas, étaient elles aussi réparties équitablement, au contraire des autres sections où les prisonniers les plus faibles étaient dominés par un « chef ». Toujours originaire d’un milieu urbain, celui-ci exploitait les prisonniers issus des campagnes. Les inégalités entre les milieux sociaux et géographiques étaient accentuées. L’argent régnait en maître.
La corruption omniprésente permettait aux prisonniers fortunés d’obtenir ce qu’ils voulaient auprès des surveillants et des policiers. Uzun n’avait pas une bonne situation familiale et ses camarades politiques lui apportaient donc une aide financière.
Psychologie de la peur
Pour lui, la prison a pour seul objectif la punition. Elle est faite pour donner l’exemple, pour que la société comprenne que celui qui ne suit pas les règles est punissable par la loi. Elle ne prépare en rien à la réinsertion et n’aide pas les anciens détenus à retrouver une place dans la société, ni à construire un projet d’avenir. Uzun affirme que la prison s’appuie sur une psychologie de la peur, avec notamment à l’époque une grande visibilité de la mise à mort des condamnés.
A sa sortie de prison, Uzun n’avait aucun projet si ce n’est vivre pour son idéal. Il commença son service militaire mais prit la fuite un mois après pour rejoindre les membres de son parti. Il vécut clandestinement pendant six mois dans les montagnes turques, avec des guérilleros, avant de partir pour la Grèce puis dans plusieurs pays d’Europe. Il partage actuellement son existence entre la France et les Pays Bas.
Il confie que la prison lui a appris la vie et a élargi ses horizons. Les prisonniers politiques amenaient des livres de façon clandestine et prenaient soin de l’éducation de leurs codétenus. Lors de sa détention, il s’intéressa à la sociologie, à la philosophie et à l’histoire. Ses anciens codétenus sont devenus philosophes, sociologues, journalistes ou députés.
Dans les prisons francophones de Belgique, la colère gronde et ne désenfle pas. Depuis le 25 avril 2016, les agents pénitentiaires font grève en réaction à l’ajustement budgétaire du ministre de la Justice Koen Geens. Les conditions de détention s’en trouvent fortement impactées. C’est dans ce contexte que nous donnons la parole à d’anciens détenus tout au long de la semaine. Ces rencontres ont été réalisées en France entre décembre et juillet 2015, dans le cadre d’un « crédit projet », c’est-à-dire un projet journalistique libre réalisé en fin de cycle de baccalauréat. Elles sont l’occasion d’une réflexion sur l’enfermement et ses séquelles.
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