Au premier regard, trois mots peuvent décrire Elzbietia : belle, décontractée et souriante. Elle habite en Pologne avec son mari et ses deux filles dans une belle demeure du centre de Cracovie. Un modèle pour ses filles, une femme comblée dans sa vie professionnelle et familiale ; voilà comment Elzbietia, dite “Ela”, est perçue par ses proches.
Mais Ela, c’est aussi une femme que l’on admire pour son courage et son caractère persévérant. Sa vie n’a pas toujours été facile. Elle est pourtant devenue une féministe active, co-fondatrice de l’association « Tu n’es pas SEULE » luttant pour les droits des femmes.
Aujourd’hui, son travail consiste à voyager à travers la Pologne pour aider les femmes battues, abusées et délaissées par la société. « Je suis heureuse de pouvoir aider. Je ne pourrais pas rester sur place à ne rien faire face à toutes ces injustices. J’ai été moi-même, auparavant, victime. C’est pour cela que je suis d’autant plus engagée pour cette cause. » Un regard attristé se dessine sur le visage d’Ela lorsqu’elle parle de son passé.
Faux départ
Née dans une famille recomposée, dans un petit village entre la frontière polonaise et biélorusse, la situation financière de la famille Malinowski est difficile. Ela vit mal l’alcoolisme du père qui la bat pour le moindre prétexte. Pourtant, c’est une élève modèle à l’école. Elle rêve d’étudier le cinéma à l’université Jagiellonski dans le centre de Varsovie.
Après sa dernière année de secondaire, elle décide de quitter la Pologne et surtout de fuir la tyrannie de son père. Sa meilleure amie la convainc de travailler avec elle pendant quelques années en Belgique pour ensuite, revenir dans le pays afin de financer ses études supérieures.
Aide ménagère en Belgique
Ne connaissant ni la langue ni la ville, elle commence à travailler à l’âge de 19 ans en tant que femme de ménage de façon non déclarée. « La Pologne me manquait énormément, mais j’étais aussi en quelque sorte heureuse en Belgique. J’étais indépendante et je pouvais gérer ma vie comme je le voulais. »
Après trois années de travail en Belgique, Ela économise assez d’argent pour pouvoir revenir dans son pays natal. Mais sa vie bascule lorsqu’un soir, deux mois avant son départ, la jeune fille rencontre Piotr, dans un bar au centre ville. Il réussit à la persuader de poser pour un magazine local.
Après quelques sessions photographiques, Ela commence à apprécier ce jeune homme, lui aussi originaire de Pologne. Deux semaines avant le départ définitif d’Ela, Piotr lui propose une dernière session qui, cette fois, se déroulera au Pays-Bas. Ela n’hésite pas une seconde et part en week-end avec le photographe Piotr.
Prise au piège
Lorsqu’ils arrivent sur place, le comportement de Piotr change brusquement. Il l’emmène dans une maison abandonnée, lui prend son passeport et l’enferme pendant deux jours sans nourriture. Pendant les jours suivants, il la drogue et ramène des hommes, des « clients » qui abusent d’elle et la battent à maintes reprises.
Après plus d’une semaine d’enfer, elle réussit à s’échapper grâce à l’inattention momentanée d’un de ses bourreaux. Une femme lui vient en aide, lorsqu’elle aperçoit Ela, à moitié nue, errant dans les ruelles près de Rotterdam. Elle appelle la police et la conduit à l’hôpital où elle passe deux jours en observation. Malgré plusieurs jours d’enquête, la police ne retrouvera pas ses agresseurs.
De retour en Belgique, elle est rapatriée en Pologne. Elle décide de rentrer dans son village natal où elle découvre son père gravement malade. Après la mort de celui-ci, elle commence des études de criminologie, durant lesquelles elle rencontre son futur mari, et s’inscrit dans une association qui vient en aide aux femmes en difficulté.
« Cet exil a changé ma vie. La vie est tellement belle, mais ce sont les gens qui la détruisent et se rendent mutuellement malheureux. Et pourtant, nous devrions profiter au mieux de ce que l’on a et de chaque instant que l’on passe sur cette terre. »
Portrait réalisé par Laura Cackowska