Ai Weiwei, l’artiste et activiste chinois, a encore fait parler de lui. Cette fois, c’est en se mettant en scène, face contre terre, dans la posture du petit Aylan décédé le 2 septembre 2015 sur une plage turque. Cette publication a en effet provoqué de vives réactions sur les réseaux sociaux. De nombreux utilisateurs se sont indignés face à cette image. Malgré sa réputation de provocateur, cette fois, la photographie installe le doute.
Son nouveau cheval de bataille n’est autre que la crise des migrants en Europe. Ai Weiwei crée un studio sur l’île de Lesbos en Grèce. En postant des photos sur son compte Instagram, il profite de sa notoriété mondiale afin d’attirer l’attention sur les conditions désastreuses des migrants. Plus de 50 photos sont publiées chaque jour par l’artiste, photos qu’il légende à chaque fois « #refugees » ou «#safepassage », le hashtag lancé par Greenpeace. Ses actes ne s’arrêtent pas là. Le 24 janvier 2016, après l’adoption de la loi sur l’immigration, permettant au gouvernement danois de saisir les objets de valeurs des migrants, Ai Weiwei décide d’annuler ses deux expositions prévues au Danemark. Il se positionne donc en tant que défenseur des droits des réfugiés.
Une réputation sulfureuse
Ce n’est pas la première fois qu’Ai Weiwei exhibe son indignation. Depuis le dénouement tragique des manifestations de la place Tian’anmen le 4 juin 1989, l’artiste chinois Weiwei a décidé de montrer son mécontentement à l’égard des autorités chinoises. Il s’exprime sur internet et évoque des problèmes sociaux et économiques. Il critique son gouvernement ouvertement, avec des photos qui peuvent choquer. L’homme d’opinion fait part régulièrement de sa vision du régime chinois qu’il considère comme rigide.
En suivant les traces de son père révolutionnaire, il s’inscrit dans la lutte pour les droits de l’homme et contre le manque de liberté d’expression en Chine. En 2009, 20 ans après la révolte étudiante de 1989 qui a touché la Chine, il diffuse une photographie où il se met en scène personnellement devant la porte de la Paix-céleste, le symbole du régime chinois, avec le mot « fuck » écrit en rouge sur sa poitrine. Ses prises de position ont déclenché un renforcement de la censure sur internet de la part des autorités chinoises.
Des avis contrastés
Pour de nombreuses illustres galeries, les œuvres d’Ai Weiwei sont incontournables. L’exposer est une réponse aux déviances du parti communiste chinois au pouvoir. Sur son site web, la Royal Academy of Arts de Londres estime que « l’artiste mène un combat humaniste ». Cette institution considère toute censure artistique « choquante ». La Royal Academy of Arts a immédiatement réagi à son emprisonnement en le nommant membre honoraire. En 2011, le magazine britannique Art Review le considèrait comme une « personne héroïque aux yeux de l’art contemporain », il obtiendra la place de « l’artiste le plus important de l’année ».
Par ailleurs, dans le milieu artistique, certaines de ses prises de position sont remises en question. Pour le directeur de la galerie Nardone à Bruxelles, Weiwei est « un espèce d’artiste faux, à part entière. Depuis quelques années, il utilise sa notoriété afin de faire vendre. Il utilise ses provocations dans un but de marketing, un fric and flouze business ». Il estime que l’artiste joue avec les autorités et que, rien, dans ses attaques ou arrestations n’est laissé au hasard. Le curateur se pose la question de savoir comment il est possible qu’un supposé dissident au régime chinois puisse faire des allers-retours en prison tout en étant capable d’organiser des expositions dans les plus grandes galeries du monde depuis sa cellule.
Malgré ses déboires avec la justice, l’artiste est capable de communiquer via les réseaux sociaux tels que Skype, Instagram, Twtitter et même son propre blog. Selon le galeriste, la réponse est simple : « le gouvernement met Ai Weiwei en prison, mais ses provocations ne sont pas si fortes que ça. L’Etat profite de cette situation afin de faire parler de la Chine aux quatre coins du monde ». Antonio Nardone ne considère pas Ai Weiwei comme un réel provocateur. Pour lui, les opposants au régime sont totalement muselés et ont peu de chance de revoir la lumière du jour, à l’inverse d’Ai Weiwei qui se voit octroyer son passeport à chaque sortie de prison.