L’ Allemagne impose l’égalité des genres au sein des entreprises cotées en bourse. A l’avenir, chaque conseil de surveillance d’une firme cotée en bourse devra être constitué au minimum de 30% de femmes. La loi concerne 109 entreprises allemandes et frappe fort : si ces entreprises ne trouvent pas de femmes pour remplir les postes qui leur sont destinés d’ici 2016, ceux-ci devront rester inoccupés. Cette mesure de discrimination positive est ambitieuse, mais doit encore passer le test de la pratique.
Un accouchement difficile
Après un an et cinq propositions de loi, les deux grands partis au gouvernement se sont finalement mis d’accord sur un quota minimum de 30 % de femmes dans les conseils de surveillance des entreprises cotées en Bourse. Un pas en avant pour l’égalité des genres, diront certains. Une chose est sûre, le débat fut agité et nombre de politiciens ont eu du mal à s’exprimer sur le sujet. Un député du CDU, a notamment qualifié Manuela Schwesig, ministre des femmes qui s’est battue pour le projet, de « pleurnicheuse ». Angela Merkel, visiblement mal à l’aise avec les propos de son député, a elle-même eu du mal à trouver les bons mots. La chancelière a déclaré qu’avec cette mesure « on trouverait sûrement des personnalités de type féminin, intéressantes et passionnantes pour les postes de leadership. » Beaucoup de bruit pour une loi qui ne concerne au final que cent postes et n’est pas vraiment novatrice.
D’autres l’ont déjà fait…
Suite à cette annonce, la Suisse a déclaré vouloir suivre le modèle allemand et instaurer le même quota. En réalité, le modèle est plutôt norvégien. Le pays scandinave est le premier à avoir instauré cette loi et impose même 40 % de femmes dans ses conseils de surveillance. Lors de l’implémentation de ce quota, les entreprises norvégiennes ont eu des difficultés à trouver des femmes qualifiées pour remplir ces postes. Certaines d’entre elles tenaient simultanément plusieurs positions dans divers conseils, ce qui leur valait d’ailleurs le surnom de « jupes dorées ». Cette politique de discrimination positive existe déjà dans plusieurs pays européens, dont la France, les Pays-Bas, la Finlande et l’Italie.
Une application plus ou moins rigoureuse
Le type de sanction appliquée au cas où le quota ne serait pas respecté varie selon les pays. Aucune sanction n’est prévue aux Pays-Bas. En Italie, les sanctions existent bel et bien, mais sont progressives : de l’avertissement à la confiscation des bureaux, en passant par un système d’amendes.
Qu’en est-il en Belgique ? Cette forme de quota existe depuis 2011. Les entreprises belges cotées en Bourse ont jusqu’en 2016 pour l’appliquer au sein de leurs conseils de surveillance. En cas de non-respect de cette échéance, les membres du conseil de surveillance risquent de voir leurs dividendes diminuer.
L’UE fait pression sur les États membres
En 2013, la Commission européenne a lancé une proposition de loi pour l’équilibre hommes-femmes parmi les administrateurs non exécutifs des sociétés cotées en Bourse. Le projet, qui vise 40 % de femmes dans les conseils d’ici 2020, a été adopté par le Parlement européen en première lecture, mais se trouve depuis bloqué par les États membres au sein du Conseil de l’Union européenne.
Maria Arena, eurodéputée membre de la Commission parlementaire sur les droits des femmes et l’égalité des genres, rappelle que la Commission européenne avait déjà donné des recommandations aux États membres et créé un label pour les entreprises qui s’engagent sur le terrain de l’égalité hommes-femmes, sans succès : « Ces actions n’ont pas vraiment réussi à faire bouger les lignes. Or, annoncer des quotas a eu un impact, les États membres et les entreprises ont commencé à s’adapter ». Même les États membres qui n’ont pas encore de législation sur la question, ont connu une augmentation du nombre de femmes dans les conseils. Selon Maria Arena, ces quotas sont un mal nécessaire : « Je souhaite leur disparition, mais s’ils n’existaient pas, la société n’évoluerait pas. »
Les quotas ne sont qu’un début
Selon Alexandra Mochnacz, experte en politique d’égalité hommes-femmes, ce mécanisme de discrimination positive doit être considéré avec prudence. L’intégration réelle des femmes dans les conseils de surveillance se fera très lentement. Les raisons sont à la fois pratiques et sociétales. Premièrement, il est difficile de contraindre les hommes qui occupent ces postes à démissionner. Seule solution : attendre un départ en retraite ou une démission volontaire. Il y a donc, selon Alexandra Mochnacz, peu de chances qu’on atteigne les 30 % visés pour 2016. Deuxièmement, instaurer des quotas est loin d’être suffisant. D’après l’experte, « Il faut changer les normes sociétales et créer un espace de travail où les capacités des femmes seront plus estimées, où elles auront aussi envie de travailler. Dans le climat actuel, il est probable qu’on ne trouve pas assez de femmes volontaires pour ces postes ».
Sile O’Dorchai, professeur à l’ULB et experte en matière d’emploi et d’égalité des genres, a un avis opposé. Selon elle, « il faut d’abord que les femmes soient présentes et contribuent elles-mêmes au changement des mentalités. » Les quotas, estime-t-elle, sont « une excellente mesure pour atteindre un équilibre à court terme, équilibre absolument nécessaire non seulement pour une question de justice sociale, mais aussi parce que ces conseils prennent des décisions importantes pour la société et qu’il est logique qu’ils en reflètent la composition. »