Ce qui peut paraître étonnant lorsque l’on parle de l’allocation universelle, c’est de voir que certaines franges de la droite comme de la gauche défendent cette idée. Il est évident que leurs opinions diffèrent quant à sa mise en application et qu’ils ne poursuivent absolument pas les mêmes objectifs.
L’économiste Philippe Defeyt dévoile son plan
L’économiste et président Ecolo du CPAS de Namur, Philippe Defeyt, a présenté ce mardi 14 juin son modèle pour une allocation universelle, fruit de plus de 30 ans de réflexion. D’un montant de 600 euros, elle serait accompagnée d’une allocation de 300 euros par enfant, remplaçant l’actuelle allocation familiale et les réductions fiscales pour enfants à charge. La sécurité sociale telle que nous la connaissons serait maintenue mais les distinctions entre les différents types d’allocataires sociaux (chef de ménage, isolé, co-habitant) disparaîtraient et certains taux seraient revus à la baisse. Le projet s’accompagne d’une modeste réforme fiscale où les avantages liés aux voitures de société et aux plans seraient supprimés.
Recrudescence de l’individualisme…
Selon Roland Duchâtelet, 15ème plus grande fortune belge et fondateur du parti libéral « Vivant » rallié à l’Open VLD, l’allocation universelle serait « la sécurité sociale 2.0 ». Au-delà de l’insinuation selon laquelle la sécurité sociale serait désuète, ce qui légitimerait selon lui son démantèlement, la volonté est claire d’aller vers une plus grande individualisation de la société.
Le modèle promu ici est celui d’une société où la sécurité sociale serait troquée contre une allocation universellement distribuée à tous, sans évaluation de la situation particulière de chacun. Une société où chaque individu est responsable de ce à quoi il est confronté dans la vie, une société où tous les risques de la société sont individualisés et non plus mutualisés. Bref, un modèle de société individualiste.
… ou bouleversement du rapport salarial
Face à ce point de vue, d’autres penseurs soutiennent l’idée que cette allocation pourrait révolutionner la société en renversant le rapport travail-capital tel que nous le connaissons aujourd’hui. Le sociologue et économiste Bernard Friot défend l’idée d’un salaire à vie. Un montant que chaque citoyen percevrait de sa naissance à sa mort et qui préserverait la sécurité sociale. La crainte du chômage et la précarité qui l’accompagne ne constitueront alors plus la menace pour faire accepter les emplois précaires.
À la question de savoir si ce nouveau salaire, inconditionnel, provoquerait l’apathie chez ses bénéficiaires, le sociologue souligne au contraire un moyen de libérer le travail. Les salariés reprendraient le contrôle sur la production, ce qui leur permettrait de se défaire du caractère aliénant et de faire de celui-ci une activité d’émancipation. Le modèle de Bernard Friot se base sur l’abolition de la propriété lucrative des moyens de production, une idée qui, forcément, a de quoi inquiéter la droite et le grand patronat, davantage fervents de ce concept dans une volonté de refonte du système social.
Comme le précise Philippe Defeyt dans l’article de La Libre, il existe “autant de dispositifs que d’auteurs” . La question qui se pose alors est moins de savoir si on soutient ou non ce concept que de réfléchir au modèle de société élaboré pour notre avenir.
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