Ce masque blanc aux traits machiavéliques, on le retrouve dans beaucoup de manifestations à travers le monde. Il est le signe de ralliement des Anonymous. Souvent considéré comme un mouvement anarchique, les Anonymous ont choisi de se rassembler, le 5 novembre à Bruxelles, pour connaître les valeurs qu’ils défendent.
Ces valeurs sont intimement liées à la date du 5 novembre. En effet, c’est lors de cette journée de 1605 que des catholiques anglais, emmenés par Guy Fawkes, ont tenté de faire exploser le parlement et de tuer le roi Jacques 1er, symboles de l’autoritarisme de l’époque. L’attentat a été déjoué, et Guy Fawkes condamné à mort. Cet événement, connu dans l’histoire anglaise sous le nom de “Conspiration des poudres”, fait figure de symbole contre l’oppression. Depuis, l’histoire de Guy Fawkes a été utilisée pour le film « V for Vendetta » et son visage, pour le masque des Anonymous. Par ailleurs, il est marrant de noter que Guy Fawkes et les siens se battaient pour installer un … roi catholique sur le trône.
« Hacktivisme »
Le mouvement a donc choisi ce jour pour réaffirmer son combat contre la corruption, l’oppression, la violation de la vie privée, les tromperies politiques… Comment? Grâce au “hacktivisme”. Les Anonymous utilisent avant tout internet pour dénoncer des faits peu connus du grand public. Ils piratent des données ou des sites web pour, disent-ils, rapporter la fragilité du système informatique.
Parmi leurs principaux faits d’armes, on peut notamment citer l’action qui a menée à l’arrestation de Chris Forcand. Forcand, accusé d’attouchements sur mineur et de détention illégale d’armes, avait été dénoncé par la cyber-piraterie. Plus récemment, le site du Klu-Klux Klan a aussi été pris d’assaut par les pirates du web. Des membres du KKK avaient distribué des tracts dans la ville de Ferguson, garantissant qu’ils utiliseraient la “force meurtrière” contre “les terroristes déguisés en manifestants pacifiques”. Ce à quoi Anonymous a directement répliqué en hackant leur site internet et leur compte Twitter.
16 NOV 2014 09:11:47 You should’ve expected us. #OpKKK continues to be a success. Freedom will prevail. pic.twitter.com/FUrNzBpVOa
— Ku Klux Klan (@KuKluxKlanUSA) November 16, 2014
Plus proche de nous, les Anonymous ont piraté le site internet de la zone de police du Brabant wallon Est. L’attaque du site internet aurait eu lieu le 22 novembre dernier à l’occasion d’une « opération » internationale organisée par Anonymous (#OpAntiRep sur Twitter) pour dénoncer les « violences policières ».
Marginalisés
Si leur masque ou leurs actions de piraterie en ligne peuvent inquiéter, leur message n’est pourtant pas aussi effrayant. Une Anonymous raconte : « On veut se séparer des partis politiques de droite ou de gauche. On ne fait pas la politique mais on a une politique. A partir du moment où on véhicule des idées, on fait une politique ». Mais au sein d’Anonymous, les avis divergent sur la politique à adopter. Quand certains n’envisagent le pouvoir que dans les mains du peuple, d’autres adoptent une position plus modérée.
Le 5 novembre, ils avaient choisi la Bourse, en plein cœur de Bruxelles, comme point de départ de leur manifestation, pour, disent-ils, avoir un contact le plus positif possible avec le grand public. « Notre but est de nous faire entendre. Je voudrais passer dans mon université pour débattre. 10 minutes suffiraient. Je veux juste qu’on entende notre voix. » « Nous voulons nous battre pour le futur, pour nos enfants. Nous voulons nous lever pour tout ce qui ne va pas dans le monde. » D’après eux, les médias et les politiques endorment la société. Travail, chômage, sécurité sociale, ils considèrent cela comme l’opium du peuple: « On nous donne des choses pour nous rendre calmes et satisfaits. C’est très suffisant pour certaines personnes car ils ont une maison à payer mais, malgré tout, les gens commencent à se diviser de plus en plus. »
De la parole aux actes
Les Anonymous parlent des politiques, du pouvoir, de l’anarchie, avec en ligne de mire un idéal, celui d’un peuple qui pourra un jour diriger la société. « Il n’y a pas d’argent pour nourrir tout le monde, mais il y en a pour les guerres. Notre solution serait de placer les gens avant le profit. » Certains sont persuadés que les gouvernements détiennent déjà les clés de ce qui pourraient sauver la planète, comme l’énergie gratuite, mais que le rendement économique n’est pas suffisant pour les autorités. « Le problème, c’est les politiciens et le pouvoir. Ils veulent juste être toujours plus puissants. »
Beaucoup d’idéaux et de grandes idées, mais est-ce vraiment toujours réalisable ? De plus en plus de groupes similaires veulent changer les choses : Occupy, les Indignés, les anarchistes, les altermondialistes… Tous ont des idées différentes mais sont animés par des valeurs communes : ils veulent changer le monde. « Actuellement, les gens ont peur. C’est un travail de longue durée mais, pour le moment, les politiques n’y arrivent pas. »