Imaginez. Vous vous rendez chez votre buraliste, vous ouvrez votre porte-monnaie, déboursez 20 euros et repartez avec un compte et une carte bancaire tout neufs. Vous voilà avec un porte-monnaie virtuel. Ce pari, Ryad Boulanouar l’a gagné en 2013. Cet “empêcheur de banquer en rond” était présent aux Ateliers de Couthures, vendredi 29 juillet, dans le séchoir dédié aux “Dérangeurs” pour parler de cette petite révolution : le Compte-Nickel.
C’est en 2011 que commence l’aventure. Ryad Boulanouar, aidé de plusieurs associés, décide de créer un compte sans banque, accessible à tous dès 2013 : le Compte-Nickel.
Le principe est simple : chaque client est un mini investisseur, chaque buraliste un mini banquier. Tous les clients, pour peu qu’ils s’acquittent de la cotisation annuelle de 20 €, peuvent ouvrir un compte. « Que les gens aient 1 euro ou 10 millions d’euros, il n’y a pas de différence de traitement chez nous », souligne Ryad Boulanouar. « Les buralistes représentent le dernier commerce de proximité, c’est un réseau de commerçants qui ne jugent pas », ajoute-t-il. Ils peuvent d’ailleurs devenir intermédiaires du Compte-Nickel au bout d’une formation de six à douze mois.
De l’argent sécurisé
L’argent des clients est déposé sur un compte de cantonnement dans une banque, le Crédit Mutuel Arkéa, mais celle-ci n’a pas le droit de l’investir. Ryad Boulanouar insiste, il n’est pas question de crédits ni d’emprunts : « Notre mission, c’est de permettre à quelqu’un d’ouvrir un compte en banque. » Point. Le site de la FPE (Financière des paiements électroniques), qui héberge le service, abonde dans ce sens : « L’argent déposé par les clients sur leur Compte-Nickel (…) est disponible à tout instant. Financière des paiements électroniques ne peut en aucun cas placer les dépôts de ses clients. Leur argent ne fait l’objet d’aucun placement spéculatif. »
Des banques traditionnelles un peu froissées
Au départ, les banques traditionnelles manifestent leur mépris et leur arrogance vis-à-vis du projet de Ryad Boulanouar. « On m’a dit que ça ne marcherait pas, et que, même si ça marchait, ça ne serait pas rentable. » Malgré ce scepticisme, le projet a pu voir le jour grâce à un emprunt de 24 millions d’euros. Aujourd’hui, la banque compte 400 000 clients, qui cotisent à hauteur de 20 euros par an.
Plus tard, c’est à cause de sa présence chez les buralistes qu’il est confronté à la pression des grandes banques. « Certains m’ont dit que c’était de la concurrence déloyale parce que j’étais présent chez les buralistes, et pas eux. Eh bien, ils n’avaient qu’à le faire », raille le dérangeur. Ironie de la situation, en coulisses, on le félicite : « On est venu me voir et on m’a dit : “C’est vachement bien ce que tu fais.” »
Un société qui tend à s’ubériser
Le Compte-Nickel fait d’emblée penser à Uber, Airbnb et toutes les alternatives qui réduisent la distance entre le fournisseur de services et le consommateur. Pour Ryad Boulanouar, cela s’inscrit dans une logique inévitable : « Si on parle de plus en plus d’ubérisation de la société, c’est parce que c’est un système qui prend l’eau. » Un phénomène qu’il nomme “désintermédiarisation”, et qui, selon lui, va s’accentuer et continuer à déranger.