Parmi ces heureux élus, le fantasque duo Lord and Hardy, Maxime Finamore et Grégoire Gertsmans de leurs vrais noms, qui offrent des couplets en anglais, aux résonances urbaines et posées sur des beats électroniques. Une identité singulière pour ce groupe qui vient de sortir, il y a deux semaines, son denier clip : « Dance everybody can dance ». Ce visuel léché leur permet, à l’heure actuelle, de dépasser leurs précédents scores en terme de visibilité sur YouTube (14 000 vues).
Maxime et Grégoire se veulent d’ailleurs ambitieux mais lucides. « On est indépendants alors c’est plus compliqué pour nous de se faire voir par rapport aux artistes qui ont signé avec des maisons de disque », reconnait Lord. D’autant que leur ligne musicale ne s’inscrit pas dans le même univers que les succès actuels. “Si tu fais de la trap et que tu rappes en français, tu fais 300.000 vues en une semaine et Sony t’appelle le lendemain pour faire un album… Nous, on est pas là-dedans”, ajoute Maxime. Leur modèle serait plutôt calqué sur le groupe de hip-hop sud-africain “Die Antwoord”. Ils se revendiquent de cette scène “alternative et déjantée”. La prochaine échéance qu’attendent impatiemment Lord & Hardy, c’est leur programmation au Bruxelles Summer Festival où ils donneront un concert sur la même scène que Booba, quelques heures avant l’arrivée du “Duc”. “Ça commence à être sérieux”, souligne Grégoire. Cet événement aura lieu le 15 août prochain et ça tombe bien, on y sera également.
NectarMusiq, un nouveau label comme espoir
“On en avait marre de voir des artistes talentueux dans notre ville ne pas réussir à se développer. Alors, on a décidé de ses structurer”, embraye Fonix, du groupe Indocile. Cette structure, c’est le label Nectar Musiq, lancé il y a près d’un an. Ses membres -SAFARI, un duo de jeunes MC’s d’une vingtaine d’années, les Anonymes et la formation Indocile & Mr. Classik- forment un univers musical bien différent du duo Lord & Hardy. Pour les premiers nommés, l’intégration au label a été un vrai espoir de réussite. “Un coup de boost”, explique Amir. Cette plateforme a également été un tremplin pour les Anonymes puisqu’elle leur a permis de sortir leur album “Rituel” en avril dernier. Le premier projet produit par le label. Cette organisation n’en est encore qu’à ses balbutiements mais elle entend donner à la scène liégeoise une plus vaste résonance.
Mr.Classik. Photo E.D.
Starflam comme exemple commun
C’est une réalité, “le rap belge est centralisé à Bruxelles”, reconnaît KoMC du groupe Indocile qui estime qu’il est temps de changer les choses, sans pour autant rejeter la scène bruxelloise. “Avoir une connexion avec Bruxelles, c’est bien mais on veut donner une vraie chance à Liège”. Une connexion avait été établie par les Anonymes, dès 2014, à l’aide d’un freestyle avec les membres de l’Or du Commun et Roméo Elvis. Et sur leur dernier album, ils ont collaboré sur l’un de leurs morceaux avec Venlo, liégeois d’origine qui vagabonde beaucoup entre la cité ardente et la capitale pour produire sa musique. “Les collaborations se font grâce au contact humain, on travaille avec des gens que l’on apprécie”, détaille le groupe qui tient à ne pas divulguer les identités de ses membres.
À Liège, force est de constater qu'”il n’y a pas beaucoup d’exemples de réussite”, regrette Fonix. “Starflam, que tu aimes ou pas, ils ont réussi à signer en maison de disque, c’est énorme. Ils restent l’exemple unique et commun, de près ou de loin, des artistes liégeois.”
Tous ces artistes se donnent les moyens de réussir mais ils restent trop attachés à leur ville pour “prendre le train afin d’aller percer à Bruxelles”, tranche Marokai, de SAFARI. “On veut d’abord montrer ici qui nous sommes.” D’ailleurs, une punchline de ce jeune groupe illustre le propos et guide leur parcours : “à trop regarder le train des autres, tu vas finir par rater le tiens”. Le train liégeois est bel et bien en gare. Reste à savoir s’il parviendra à se faire une place au milieu des milliers de voies que compte la scène du hip-hop francophone.
Indocile. Photo E.D.