Ils étaient trois à se prêter au jeu de l’interprétation de Bach, l’un des plus grands compositeurs, mercredi 21 octobre, dans le cadre du festival Bach Héritage. Ryoko, Zeljko et Gabriel témoignent tous de leur besoin de s’approprier et d’apprivoiser un morceau. C’est une étape indispensable afin de faire corps avec la musique.
Ryoko Katayama, ancienne étudiante japonaise du conservatoire, est musicienne depuis l’âge de quatre ans. Elle a toujours travaillé ce noble instrument qu’est le piano mais c’est en Belgique qu’elle fait la découverte de son nouvel allié, le clavecin. « Avant, je n’aimais pas la musique de Bach mais en apprenant à la jouer au clavecin, je suis tombée sous le charme du compositeur. Selon moi, sa musique est empreinte de grands sentiments, elle est dramatique. »
C.P.E. Bach, Fantaisie en la majeur Wq. 58/7 – Ryoko Katayama :
En revanche, pour Benjamin, jeune étudiant au conservatoire et assistant de production du Bozar, la musique de Bach est plutôt austère. “Le compositeur était d’ailleurs souvent critiqué à ce sujet déjà à son époque”, détaille-t-il. Malgré les profils et les sensibilités divergentes, tous s’accordent à dire que Bach est l’un des plus grands maîtres de sa génération. Si ce n’est le plus grand compositeur au monde.
“Une expérience de vie très forte”
De par sa puissance, Bach est une musique qui ne laisse pas indifférent. Elle est tellement structurée que, lorsque les musiciens s’y attardent dessus, ils travaillent également sur eux-mêmes. Pour le professeur de clavecin du Conservatoire, Frédérick Haas, « cette musique est une expérience de vie très forte. Elle est chargée en émotions, en intensité et en révolte. Elle va toucher chaque jeune de manière personnelle et va déployer une richesse différente en fonction du caractère de chacun. »
Manque de démocratisation
Malgré ses qualités, la musique classique attire-t-elle encore les jeunes ? Nombre sont ceux qui n’ont jamais assisté à un concert de musique classique ni même entendu une symphonie. C’est un genre très fermé et rarement accessible quelqu’un qui n’aurait pas grandi dans le milieu mélomane. L’une des plus grandes critiques dont fait face la musique classique est d’ailleurs son manque de démocratisation. L’intérêt pour le genre musical va donc dépendre des goûts, de l’entourage et de l’éducation de chacun.
« La musique classique est comme une langue étrangère. On doit la décrypter, la travailler, la parler, pour enfin la comprendre » Benjamin, étudiant au Conservatoire royal de Bruxelles
Selon Frédérick Haas, cette crise de la musique classique tient aussi en l’organisation de la société elle-même : « Aujourd’hui, nous vivons des temps difficiles. Nos dirigeants ne favorisent pas le secteur éducatif et culturel. » Les arts étant encore trop souvent relégués à l’image de passe-temps, « il faut repenser l’organisation de notre société ».
Des initiatives musicales pour créer la rencontre
La musique classique a besoin de transmettre et d’être transmise. Partager cette dernière est essentiel à sa survie. Cependant, la difficulté est grande. Les étudiants se demandent comment toucher un public plus large et jeune.
Zeljko Manic, est un jeune claveciniste, chanteur et compositeur serbe âgé de 24 ans. Ce dernier développe quelques projets pour les enfants et les familles. Il veut leur montrer que les formes classiques parlent à chacun de nous. « C’est un genre très différent car il faut intéresser les enfants aussi bien que les parents. Mais si nous, musiciens, on le fait bien, ça fonctionne. La musique classique ne sera plus une étrangère pour eux. »
J.S. Bach, Concerto Italien BWV 971 – Zeljko Manic :
Parallèlement, Benjamin évoque les initiatives mises en place par Bozar afin de toucher les plus jeunes : « Bozar Studio développe certains projets comme celui d’inviter les écoles et les enfants à découvrir l’orchestre symphonique, à rencontrer le chef d’orchestre. Cette rencontre avec le monde de la musique classique peut provoquer en eux une certaine curiosité et leur montrer que ça existe aussi, tout simplement. »
Des expériences intrigantes sont aussi créées : « On essaie de mélanger les genres. Par exemple, un orchestre symphonique qui joue sur scène et un preneur de son qui capte l’ensemble et qui le traduit électroniquement. Et donc, on arrive à toucher plusieurs publics : les amateurs de musique électronique et les fans de musique classique. On espère dès lors créer des rencontres entre les genres et leurs publics respectifs afin de brasser un public plus large. »