Chaque week-end, des altercations entre joueurs et arbitres rythment le cours de nos championnats belges de football. Les exemples les plus frappants se situent évidemment en division 1, puisqu’elle est la plus médiatisée. Cependant, ces gestes ou paroles d’énervement se produisent autour et sur tous les terrains de football du pays, qu’ils soient professionnels ou amateurs. Beaucoup d’arbitres subissent des insultes chaque semaine, les poussant parfois à la retraite anticipée. Pour Marcel Javaux, ex-arbitre et analyste pour la RTBF, le monde du football doit évoluer. Interview.
Depuis que vous côtoyez le football belge, en tant qu’arbitre ou en tant qu’analyste, avez-vous constaté un changement dans le comportement des joueurs envers les arbitres ?
Oui, il y a beaucoup plus de protestations qu’avant. A mon avis, ce n’est pas uniquement un problème lié au football. C’est un problème de société. Tout ce qui relève de l’autorité en général est de plus en plus bafoué. Il suffit de regarder les informations tous les jours, il y a des exemples multiples.
Pensez-vous que cette attitude des joueurs est propre à notre championnat belge ?
Non, je regarde beaucoup le football anglais et français et ils discutent autant que chez nous. Je crois qu’il serait temps que le monde footballistique applique les principes du rugby où seul le capitaine a le droit de s’adresser à l’arbitre. Dans le cas où un autre joueur vient se plaindre chez l’arbitre, il reçoit directement un carton jaune et est exclu momentanément.
Pour vous, le public est-il assez tolérant envers les arbitres ?
Le public voit le stade comme un défouloir où tout lui est permis. Je suis président du comité provincial de la province du Luxembourg et nous allons lancer une campagne contre le racisme et la xénophobie. Nous avons des jeunes filles qui jouent au football qui sont insultées de « gonzesses », dont certains disent « qu’on les envoie à la danse plutôt qu’au football »… C’est assez bas comme mentalité mais c’est notre société qui est comme ça. Il y a beaucoup de travail en profondeur qui reste à faire. Il faut commencer à la maison, dès que les enfants savent marcher et continuer à l’école. A partir du moment où les professeurs ne sont plus respectés comme ils méritent de l’être, ça devient difficile.
Les arbitres souffrent-ils de cette remise en question constante ? N’ont-ils pas parfois envie de claquer la porte ?
Personnellement, je n’étais jamais aussi fort que lorsqu’on m’engueulait. J’avais envie de prouver que j’étais capable de le faire. Cela dépend donc de la personnalité. Mais il est vrai que les arbitres actuels sont beaucoup plus épiés que nous ne l’étions à l’époque. Lors de la première rencontre que j’ai arbitrée en direct, je crois qu’il y avait six ou huit caméras. Maintenant, il y en a quatorze. Le jeu est donc plus épié… Et plus rapide aussi. Les matchs sont donc plus difficiles à gérer pour l’arbitre évidemment.
Pour l’avenir, comment pensez-vous que la situation va évoluer ?
Je ne suis pas très optimiste. Quand je vois ce qu’il se passe en province le long du terrain lors des matchs de jeunes, c’est pénible. Lorsqu’il y a 40 personnes autour du terrain, la première insulte qui fuse tout le monde l’entend. Dans un stade bruyant de 30.000 personnes, les insultes sont moins remarquées. Le football amateur est donc plus fragile à ce niveau-là.
Les arbitres y sont donc plus vulnérables…
Bien sûr… Quand il y en a ! Malheureusement, beaucoup de matchs de jeunes ne trouvent plus d’arbitres. Nous sommes en manque de vocation. Il y a de plus en plus de jeunes qui arrêtent après quelques matchs. Au départ, ils sont très motivés, mais quand ils voient comment ça se passe, à quel point ils sont insultés, Ils arrêtent. C’est bien dommage.
Quelle est la solution ?
L’éducation ! C’est la base.
Marcel Javaux
Né le 19 février 1956 à Villance (Province du Luxembourg)
Policier retraité
Ex-arbitre du championnat de Belgique entre 1990 et 2001
Président du Comité provincial du Luxembourg
Analyste arbitrage dans l’émission football de la RTBF, “La Tribune”, depuis 2006
Propos recueillis par Martin Meyer