Domaine des Ouled Thaleb, à une cinquantaine de kilomètres de Rabat. Il est midi et le soleil est au zénith. L’endroit a tout pour être idyllique. Au milieu des vignes trône un majestueux ryad et son jardin luxuriant. Tout autour, des bouteilles, des cuves, des caves… Du vin.
Cockerill, précurseur viticole
L’aventure du domaine des Ouled Thaleb est liée de près à la Belgique. L’après-14-18 est douloureux pour les investisseurs belges, qui se tournent vers l’étranger. La famille Cockerill, grand nom d’industriels liégois, s’intéresse au Maroc. Le pays est sous protectorat français depuis 1912, situation qui favorise les investissements belges.
En 1923, la S.A. Cockerill décide de poser bagage à Benslimane, près de Rabat, et crée la Société de l’Industrie et de l’Agriculture au Maroc (SIAM). C’est ainsi que née la plus ancienne cave encore en activité au Maroc. La première vendange, elle, n’aura lieu que trois ans plus tard, en 1927.
Depuis, l’exploitation a changé plusieurs fois de mains, notamment à cause de la marocanisation des entreprises. Les 4.500 hectares de vignes appartiennent désormais à Diana Holding, via la société Thalvin. Josselin Desprez de Gesincourt, directeur export de cette dernière, détaille l’importance du premier producteur de vin du Maroc : “Le groupe produit environ 31 millions de bouteilles par an sur le sol marocain, soit plus de 23 millions de litres. Cela est conséquent puisque la production annuelle au Maroc se chiffre à 34,5 millions de litres.” 95% de cette production est consommée au Maroc.
Une route des vins au Maroc
Zahid Abderrahim est un Belgo-Marocain chargé de l’export de vin vers la Belgique. Fort d’une expérience de 40 ans dans le domaine, il a vu le secteur viticole évoluer de façon impressionnante malgré certains coups durs, à commencer par la crise financière de 2008. Pour changer de trajectoire et diversifier ses activités, Zahid Abderrahim a cédé les rênes de l’export de la compagnie à sa femme. Il se lance désormais dans un tout nouveau projet haut de gamme : la route des vins au Maroc.
Des vins reconnus dans le monde entier
Le vin marocain plaît de plus en plus à l’étranger. Il profite, comme beaucoup d’autres pays, de la saturation de vignes que la France a atteint. Les clients sont curieux de découvrir de nouvelles saveurs, issues de pays encore méconnus pour leurs atouts viticoles. Ainsi, on retrouve des vins marocains sur la carte de grands restaurants partout dans le monde. Loin du “vin-couscous”, un terme qui caractérise les vins de faible qualité dans le Maghreb, le vin marocain gagne désormais ses lettres de noblesse. 4.376 vins ont été présentés au 41e Challenge international du vin en 2017. 44 vins présentés étaient marocains, 18 d’entre eux ont été médaillés. Le Coup de cœur Maroc a été attribué au vin “Les Trois Domaines 2016”, produit par Les Celliers de Meknès, l’une des marques de Diana Holding. Thalvin, la gamme de vins issus du domaine des Ouled Thaleb, a récolté quatre prix, dont deux médailles d’or.
De la production… à la distribution
Changement de décor, moins idyllique, mais tout aussi essentiel pour Diana Holding. À l’entrée de Casablanca, un immense entrepôt métallique se dresse sur le bord de la chaussée. À l’intérieur du hangar, des milliers de bouteilles d’alcool s’empilent les unes au-dessus des autres. Juste à côté, les bureaux de la compagnie Ebertec, qui se charge de la distribution de 80% des bouteilles de vin au Maroc. Abdelhek Haji, 57 ans, est le directeur financier de cette société qui fournit restaurants, grandes surfaces, hôtels, bars, etc.
Malgré ses nombreux clients, il s’étonne encore de la difficulté pour les revendeurs d’obtenir une licence : “Après avoir reçu la visite de sept acteurs de différents ministères, une enquête est ouverte sur la personne désirant acquérir la licence. Une fois que la personne est considérée comme apte à revendre, elle doit alors, après une deuxième visite de tous les membres des ministères, signer un papier comme quoi elle ne servira pas de musulmans pour enfin obtenir son graal. Cette démarche prend plus d’un an et demi.”
Abdelhek Haji désire diversifier ses activités en touchant immédiatement le client. “Nous cherchons à obtenir une part de marché toujours plus grande. D’ici fin 2017, les premiers points de vente premium de la société ouvriront partout dans le Maroc. Nous concurrencerons les clients que nous fournissons, mais aussi nos premiers adversaires, les magasins Nicolas.”
Brel, enfant du Maroc
Les connaisseurs ont cerné le potentiel du Maroc il y a bien longtemps. Parmi eux, Jacques Brel qui aurait composé “Jef”, dans une maison close de Mohammedia, mais aussi “La Valse à mille temps” durant un trajet Tanger-Casablanca. Notre compatriote appréciait beaucoup cette région qu’il arpentait entre représentations et fêtes. Toujours un verre de vin à la main !
Sébastien Paulus (texte), Hamza Joulal, Karima Bouchehboun, Imane Benlemrid, Imane Ibourk et Lina Ammour (réalisation vidéo)