Il y a des années, le brasseur de Berchem-Sainte-Agathe produisait sa bière d’un côté de la rue et la vendait de l’autre. Aujourd’hui, les employés du centre culturel francophone traversent cette même rue pour travailler avec les néerlandophones et vice-versa. Il y a décidément un lien naturel entre ces deux bâtiments. Cette collaboration a donné naissance à Symbiose 1082. Une initiative officiellement mise sur pied en février 2008 qui utilise la culture pour rapprocher les différentes communautés.
Un festival muet ouvre le dialogue
C’était la deuxième année que les Berchemois néerlandophones se réunissaient pour assister à des spectacles de rue. Pour la première fois, des performances muettes étaient proposées aux habitants. A la surprise générale des organisateurs, ces spectacles ont remporté un franc succès. Les néerlandophones n’étaient plus les seuls à pouvoir en profiter. C’est la naissance du « visueel festival visuel », un festival 100% muet, qui servira de déclic à la création de Symbiose 1082.
Au début, l’élaboration de projets communs entre les deux centres culturels ne semblait pas évidente. La partie néerlandophone mettant à disposition des moyens financiers plus importants, les discussions étaient difficiles. Pour faciliter la collaboration entre les deux centres, les assemblées générales ont décidé que la contribution financière à l’élaboration des projets se ferait d’égal à égal. Aujourd’hui, l’entente entre les deux organismes est excellente. Par la suite, les bibliothèques et académies de musique des deux communautés linguistiques se sont greffées à l’initiative. Ce sont désormais six institutions qui font partie de symbiose 1082.
Christian Boucq, président du centre culturel francophone Le Fourquet, explique que le mot symbiose n’a pas été choisi par hasard. Le label « Symbiose » a été proposé par le coordinateur flamand, car il est signifiant en français et néerlandais. Bien que l’initiative des Berchemois était innovante en 2008, Christian Boucq ne prétend pas que Symbiose 1082 soit un modèle pour le reste de la Belgique.
“Il y a des initiatives un peu partout. En Flandre, beaucoup d’artistes travaillent au-delà de ces clivages-là”
Mélanger les cultures plutôt que de les juxtaposer
Au-delà de Symbiose 1082, le président du Fourquet s’intéresse à la « cohésion sociale » à travers la culture dans la capitale. Selon lui, ces termes sont souvent utilisés à tort. Il ne s’agit pas seulement d’inviter les cultures à se croiser dans un même événement, mais bien de les mélanger, de leur faire échanger. Une cohésion sociale manquée est pour lui comparable à un grand barbecue dans lequel chacun resterait dans son coin.
Une coopération devenue naturelle
Les Berchemois vont maintenant dans les deux centres culturels sans complexe. Il n’est plus question d’avoir honte d’être allé chez le voisin. Symbiose n’impose pas aux six organismes de travailler ensemble, mais depuis sa création les évènements sont pensés autrement. Par exemple, le Fourquet songe à proposer des pièces de théâtre et diffusions de films aux habitants de la commune. Si l’intention se concrétise, les pièces seront jouées et sous-titrées en plusieurs langues : français, néerlandais et même en langue des signes. Quel que soit l’organisateur de l’évènement, chacun y trouvera sa place.
Dans un français presque parfait, Tim Vandecauter, animateur culturel au gemeenschapscentrum De Kroon, raconte avec satisfaction l’envergure de la coopération : « Le plus bel exemple, c’est Stefan. Le flamand du Fourquet. Il est bénévole et est dans le Conseil d’administration, mais il vient régulièrement travailler chez nous. Il y a de plus en plus de liens entre les deux centres. »
Il insiste sur l’importance prise par le festival visuel au sein de Symbiose 1082 et l’impact qu’il a sur la population de la commune.
“Chacun apprend de l’autre et on se forme progressivement”
En plus de l’aspect organisationnel, le projet Symbiose 1082 se veut une invitation au rapprochement entre deux communautés linguistiques qui ont tant à se dire lorsqu’elles parviennent à dépasser leurs différences. « Chacun apprend de l’autre et on se forme progressivement. Comprendre l’autre, c’est apprendre de l’autre » raconte Christian Boucq.
Finalement, Symbiose 1082 et plus largement la culture, c’est avant tout apprendre par l’échange, c’est se former au vivre-ensemble. La culture permet la coexistence symbiotique, ce qu’on a tendance parfois à oublier dans le plat pays qui est le nôtre.