Déconnexion
Bruxelles, c’est toi ? Oui, je reconnais ta gare. Le dégradé de tes murs du gris neutre au jaune verdâtre. Et les vibrations des trains qui passent. Elles font résonner le roulement des valises sur le carrelage. Le marchand de journaux est toujours là. Mais son visage ? Il a l’air absent, ses traits sont presque flous.
Bruxelles, c’est bien toi ? Oui, je vois ton horloge centrale. C’est drôle, je n’arrive pas à discerner le sens de ses aiguilles. Je connais cet endroit. Par cœur. Mais chaque objet fait un léger pas de côté, comme en décalage horaire. C’est un camion militaire, juste devant l’entrée ? Et dans tes rues ? C’est comme si j’entrais dans Bruxelles à une autre époque. Ou qu’on avait déplacé aujourd’hui la ville dans un autre pays. Familier étrange, étrangeté intime, le cocktail bizarre de connu et d’inconnu me donne le sentiment d’être ivre ou de rêver. Anesthésie. Pour moins sentir l’inconciliable, pour amortir l’insupportable.
Reconnexion
Le choc passé, il n’est pas bon de rester dans cet état « coupé du monde ». Se reconnecter, c’est reprendre le contrôle sur ce qui se passe. C’est tenter de comprendre l’élément perturbateur qui a mis tout Bruxelles dans un tel état et pouvoir ensuite petit à petit le maîtriser. Et éviter ainsi un éventuel retour de flamme, plus dévastateur encore que la première attaque.
Un moyen de se reconnecter au réel, c’est l’autre. Partager son imaginaire avec celui des autres, et percer les bulles protectrices individuelles qui s’autoalimentent dans l’angoisse. La marche collective “contre la peur” va dans ce sens d’ouverture. Initialement prévue ce dimanche, elle vient d’être reportée suite à la demande du ministre de l’Intérieur Jan Jambon et du bourgmestre de Bruxelles Yvan Mayeur pour des raisons de sécurité. Mais elle aura lieu. Parce que la Belgique refuse de végéter dans l’irrationalité des terroristes.
Et parce que Bruxelles, c’est bien toi, nous.