Comment réagiriez-vous si on vous annonçait qu’à partir de demain, vous devriez tous avoir les cheveux courts et verts ? Voici le thème du jeu de dialogue interculturel créé par Anne Loustalot pour la 5e édition de BruXitizen, ce mercredi 12 octobre aux abattoirs d’Anderlecht. Organisé par l’Agence Alter en collaboration avec l’association Cultureghem, l’évènement a permis d’en apprendre plus sur ce quartier multiculturel. Les jeunes Bruxellois étaient donc conviés à s’interroger sur les questions d’identité et de diversité. Deux mots très semblables, mais également très différents.
Tous les mêmes
Chaque table est composée de 8 à 9 joueurs. Tous les participants reçoivent une identité. Tous sont des habitants d’un pays appelé la Maganie. Il existe dans ce pays de nombreux conflits et discriminations relatifs aux couleurs des cheveux. Le gouvernement a décidé d’agir et instaure une “Ordonnance de l’uniformité” pour une société plus juste et égalitaire. Tous les habitants devront désormais avoir la même coupe : des cheveux verts et courts. C’est ainsi que commence le débat.
Ce qui nous diversifie nous rassemble
Selon sa carte d’identité, chaque personnage a un avis à défendre. Pourtant, le groupe doit parvenir à se mettre d’accord et à écrire un “Plaidoyer de la différence”. Les échanges, bien que cordiaux, sont très animés. “On est pour la diversité”, lance un participant, “mais la diversité n’est-elle pas aussi source de conflit ?” “On dit que l’identité crée la guerre, mais aussi qu’elle est importante. Quelle est donc la vérité ?” se demande un autre. À quoi un troisième répond : “LA vérité n’existe pas.”
À la fin du jeu, les participants de différentes origines s’entendent pour affirmer que “l’identité est un corpus de valeurs sans aucune frontière et en évolution permanente. C’est bien plus qu’une identité nationale identique.” Comme celle que la loi des cheveux verts veut mettre en place.
Un débat dépassant les frontières de l’identité
À 16h30, le groupe de l’Altermedialab, qui réalisait une visite interculturelle de Cureghem, rejoint celui du jeu de rôles pour un débat sur les questions de l’identité et de la diversité dans le quartier de Cureghem. Assez vite, ces questions laissent place à un autre questionnement : la réalité quotidienne de ces jeunes. “Rien n’est mis en place pour la jeunesse de Cureghem, que ce soit dans les infrastructures sportives, culturelles et j’en passe”, intervient Ilyas, étudiant à l’ULB et habitant du quartier.
Vital Marage, coordinateur des éducateurs de rue au sein du service de prévention de la commune d’Anderlecht, rebondit : “Il faut arrêter de faire des caricatures et dire qu’il n’y a jamais rien qui est fait pour les jeunes ! Je n’ai jamais vu autant d’associations dans une commune. Je peux citer cinq terrains de foot : square Albert, Jorez, parc de la Rosée… Je ne dis pas que c’est génial, mais je pense qu’il faut éviter les amalgames.”
“C’est aussi à la jeunesse de mieux s’organiser”
Tayino Cherubin, éducateur à Bravvo, prend la parole à son tour : “J’estime qu’il y a des opportunités qui existent. Mais les jeunes qui habitent l’espace public ne l’utilisent pas forcément de manière éducative. C’est aussi à la jeunesse de mieux s’organiser. Lorsqu’on veut les réunir pour les faire discuter autour de thématiques afin de trouver des solutions et ensuite les faire remonter aux politiques, on a droit à des “Mais de toute façon, ça sert à rien !” Par contre, si on organise une sortie à Walibi, en deux heures, tout le monde est là.”
Plus loin dans le débat, Vital Marage revient à la charge. “Je m’insurge que l’on puisse parler pour la jeunesse de Cureghem. Car il s’agit, pour moi, DES jeunesses. Il ne faut pas chercher à vouloir voir une identité hégémonique du quartier.”
Le ton et la vigueur des échanges est évocateur du problème qui règne dans la commune : une incompréhension causée par un manque de communication entre la jeunesse, les acteurs de terrain et la classe politique. Le débat du BruXitizen, à défaut de résoudre les problèmes, aura permis de les aborder.