150 caméras et 10 policiers, ce sont les moyens dont dispose la police de la zone de police Bruxelles Capitale Ixelles (l’une des six zones de police, qui recouvrent ensemble les 19 communes bruxelloises) pour scruter, surveiller, épier les rues, places et chemins de la capitale. Festivals, marchés de Noël, accidents de la route, manifestations ou encore attentats sont autant d’évènements qui permettent aux caméras de surveillance de montrer toute leur utilité.
Le 25 novembre dernier, des débordements ont eu lieu dans le quartier Louise, suite à une manifestation contre l’esclavage. Dix jours plus tôt, des heurts avaient éclaté entre les forces de l’ordre et des jeunes rassemblés autour de Vargass92, un youtubeur français venu rencontrer ses fans. Et quelques jours auparavant, d’autres affrontements ont eu lieu avec la police et des supporters de l’équipe nationale marocaine de football, qui fêtaient leur qualification en Coupe du Monde.
Au lendemain des évènements, les critiques sont nombreuses. « Que s’est-il passé ? », « qu’a fait la police ? » et « pourquoi a-t-elle agit si violemment ? ». Du côté des politiques, on parle d’une faille dans la collaboration. La police est pointée du doigt, tandis qu’une enquête est ouverte.
Pour répondre à ces questions et à bien d’autres, nous avons rencontré Olivier Slosse, commissaire de police de la zone Bruxelles Capitale Ixelles.
Incognito ici, mais pourquoi pas là-bas ?
Que se serait-il passé si ces débordements Place de la Monnaie avait eu lieu autre part, sur une autre place, dans une autre rue… sans caméras ? Pourquoi certains lieux sont dotés de caméras plutôt que d’autres ? Quels sont les critères qui déterminent leurs emplacements ?
Olivier Slosse explique qu’il existe trois facteurs principaux : pour observer les rassemblements, pour avoir une vue sur la fluidité et pour surveiller les territoires où ils constatent davantage d’actes criminels ou de nuances.
Proactivité, réactivité et recherche
Une fois les caméras installées, il s’agit de savoir les utiliser. Contrairement à d’autres pays, comme le Royaume-Uni, qui sont dotés de caméras dites intelligentes, les « yeux » de la police belge ne font que filmer et enregistrer. Le policier a donc encore un rôle primordial, puisqu’il devra analyser l’image reçue et décidera ou non d’intervenir.
Caméras intelligentes
Les caméras offrent de nouvelles possibilités : elles filment, enregistrent mais surtout sont capables de détecter des comportements a priori déviants et suspects. Par exemple, une caméra intelligente enverra un signal au dispatching si une valise reste soudainement immobile sur une place publique.
Regarder, analyser… mais pas que. Pour une même caméra, l’utilisation peut être différente. Proactivité, réactivité et recherche sont les trois facettes que ces outils permettent.
Le digital rend pourtant la police plus humaine
Souvent critiquées et considérées comme les yeux de Big Brother pour espionner les moindres faits et gestes des habitants, les caméras de surveillance sont pourtant indispensables aux yeux de la police.
En plus de la doter d’yeux supplémentaires là où il serait physiquement impossible de se poster, elles permettent aux agents de se concentrer davantage sur le côté plus humain de leur métier. La police ne se limiterait donc pas à un uniforme, une arme et des menottes… Parfois sous-estimé par le public, le rôle de proximité et de contact est pourtant une autre facette importante de nos hommes en bleu.
Dans le cas d’un rassemblement, par exemple, des policiers en civil tentent d’abord de prendre contact avec l’organisateur afin de négocier des zones dites de « tolérance ». Autrement dit, il n’est pas toujours nécessaire d’intervenir, pourvu que les circonstances le permettent.
Les mots avant les actes
A propos des débordements Place de la Monnaie suite à la venue de Vargass92, le commissaire constate que c’est l’interpellation du youtubeur qui a posé problème. “Cette équipe-là a tenté de prendre contact avec l’artiste. C’est là que, très rapidement ou quasi immédiatement, ça a mal tourné et il y a eu jet d’objets avec toutes les suites qu’on a pu constater sur les télévisions”.
D’autre part, les caméras de surveillance offrent une vue globale d’un événement. Leur rôle dans la coordination des équipes est primordial. Pour chaque intervention de grande ampleur, un coordinateur de terrain est sur place. Olivier Slosse nous explique son rôle.
Vie privée : pas d’exception pour la police
Les caméras de surveillance de la police doivent-elles respecter un cadre légal ? Maître Sandrine Carneroli, avocate bruxelloise spécialisée dans les nouvelles technologies, explique que les policiers sont dans l’obligation de respecter la “loi caméra” de 2014, elle-même une modification législative de la précédente réglementation de 2007 (vous pouvez consulter ici la nouvelle loi).
Dans les grandes lignes, la loi réglemente la captation d’images, pour être plus en accord avec la protection de la vie privée. Ainsi, les caméras ne peuvent porter atteinte à l’intimité des personnes, et on ne peut utiliser les images captées (ou éventuellement seulement une partie de l’image) que si elles mettent en lumière un méfait.
§ 4. Le visionnage d’images en temps réel n’est admis que sous le contrôle des autorités compétentes et dans le but de permettre aux services de police d’intervenir immédiatement en cas d’infraction, de dommage ou d’atteinte à l’ordre public et de guider ces services au mieux dans leur intervention.
21 MARS 2007. — Loi réglant l’installation et l’utilisation de caméras de surveillance
Me. Sandrine Carneroli nous explique cette législation plus en détail.
Ajoutons que la police n’est pas la seule à filmer Bruxelles, plus ou moins discrètement. En plus des dispositifs installés par les particuliers, les commerçants et les entreprises, on peut encore noter la présence des caméras installées par la Ville de Bruxelles elle-même (retrouvez ici, par exemple, la webcam de la Grand-Place) et des smartphones par centaines de milliers qui filment au quotidien les rues de notre capitale.
Big Brother is really helping you ? Apparemment oui, puisque les caméras de surveillance installées par la police permettent aux policiers de fournir un travail de meilleure qualité, d’avoir des yeux là où les hommes ne pourraient se trouver en permanence. Et cela en respect total du cadre légal.