En cette fin novembre, comme souvent c’est concert ce soir au Rockerill de Charleroi, lieu emblématique de la culture. L’occasion de faire le point sur la métamorphose de cet espace culturel et sur celle de la ville.
Cette année marque les dix ans de cet espace de création atypique de Charleroi. Plus qu’une salle de concerts, le Rockerill a été au centre de l’évolution culturelle de la ville qui avait été surnommée «la plus laide du monde ». « On était les premiers à essayer de se sortir la tête de l’eau, à faire de Charleroi plus qu’une ville post-industriel abandonnée où il ne se passe rien, où il y a de la délinquance », explique Michael Sacchi, patron du Rockerill. Ce qui fait le cachet de l’endroit, c’est son emplacement dans une vieille usine. Bâtie en 1832, elle était une des premières usines installées à Charleroi dans le lieu-dit de la Providence. Elle a donc été témoin de l’âge d’or de la ville.
Si Charleroi reste dans l’esprit de certains une ville dans laquelle il ne se passe rien au niveau culturel, ça n’a pas toujours été le cas. Dans les années 60-70, il y avait de la vie, les gens sortaient, il existait de nombreuses discothèques, bars et restaurants. Dans les années 80, ce sont les cafés concerts qui se sont multipliés. « Le gros problème de Charleroi, c’est que tout a fermé dans les années 90 et dans les années 2000, il n’y a pas eu de coup de fouet parce qu’il manquait de jeune, parce qu’il n’y avait pas d’université ». Avec les jeunes partis s’installer ailleurs, ce sont également les artistes qui s’en sont allés. « Je connais plein de gens qui habitent à Bruxelles qui sont d’origine carolo et qui sont monté à la capitale parce qu’il ne se passait rien ici.»
En 2005, alors que Michael Sacchi est à la recherche d’un endroit pour exposer les œuvres du collectif Tête d’art qu’il a créé quatre ans plus tôt, il tombe sur l’usine de Cockerill et décide d’en faire le Rockerill. Les débuts sont rudes, il n’y a pas de subsides. « Ce sont des gens passionnés et des gens du quartier qui se sont investis dans le projet. Ça s’est fait à l’huile de bras. »
Le Rockerill a rejoint, il y a quatre ans, le club Plasma (Plateforme des scènes et musiques actuelles). Ce club constitue un réseau de salle et d’organisateurs de concerts indépendants de la Fédération Wallonie-Bruxelles. C’est à partir de ce moment-là que la ville de Charleroi a décidé de soutenir « son » Rockerill. Celui-ci a signé, en 2012, une convention avec la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui lui permet de recevoir, 32 500 euros par an jusqu’à la fin de 2015. « Logiquement, on devrait, dans le prochain programme, resigner une convention avec le ministre », explique Michael Sacchi. Il rejoint ainsi les quelques autres espaces culturels de Charleroi subventionnés pas la Fédération Wallonie-Bruxelles. « Il y a un public qui est venu parce qu’il y a des institutions qui se sont développées. »
« On sent vraiment un renouveau depuis au moins trois ou quatre ans, et, cette année, en 2015, on parle enfin de Charleroi positivement par la culture ». Le public du Rockerill, lui, vient de partout, de toutes les classes sociales, de tous les milieux, de la France, des Pays-Bas… C’est le cas aussi des artistes. « Le Rockerill, raconte Julian Trevisan, community manager du Rockerill, c’est devenu une identité de marque : on a de plus en plus de groupes, tous les jours on reçoit des trentaines de mails. On a des groupes qui viennent même des States parce qu’ils ont entendu parler du lieu qui est emblématique.»
Il faudra du temps pour que Charleroi deviennent autre chose que « la ville la plus laide du monde » dans l’esprit des gens, mais pour ceux qui y vivent et qui participent de son renouveau, la ville n’est déjà plus celle qu’elle était, il y a dix ans. « On parle de Charleroi comme du nouveau Berlin, mais ça n’a rien à voir avec Berlin, parce que là-bas, on a affaire à des gens qui ont vécu autre chose que le déclin de l’industrie. Mais, c’est clair que Charleroi est en pleine mutation. »