La ville de Charleroi est en pleine métamorphose. Un des grands projets de 2016 est l’ouverture de la nouvelle caserne des pompiers. Très attendu par les combattants du feu qui vivent pour le moment dans des conditions déplorables. Petite visite de la caserne actuelle.
À peine le premier pas franchi, on s’aperçoit que quelque chose cloche. Plus de poignée extérieure sur la porte d’entrée. La clenche est déposée sur le comptoir de l’accueil et attend gentiment d’être remise en place.
Personne ne doit avoir eu le temps de la refixer probablement. C’est le premier élément défaillant d’une longue série pour notre visite dans un lieu où la sécurité est censée être le maitre mot. « Suivez-moi », nous indique notre guide.
Un endroit aux allures d’entrepôt
Difficile d’éviter les flaques d’eau qui jonchent le sol, un carrelage d’origine jaune sable qui n’en a plus vraiment la couleur. Le noir a peu à peu pris le dessus. Du noir au sol, sur les murs, au plafond. La pénombre est omniprésente. Seules les fenêtres opaques des portes de garage offrent un brin de luminosité en hauteur. Pour le reste, l’éclairage est assuré par de gros néons aux grésillements bruyants. Si l’on pénètre plus en profondeur, c’est le noir complet. L’endroit est une cave géante. Il s’agit du sous-sol du Palais des Expositions de Charleroi.
À l’origine, les pompiers étaient basés dans le centre-ville, mais ont dû déménager. Il fallait pour cela trouver un endroit assez grand et assez haut pour les accueillir. Le lieu remplissait ses deux conditions de base et a donc été choisi. Ce qui devait être une solution de rechange, dans l’attente d’une nouvelle caserne, l’aura été durant plus de 50 ans.
Humidité, trous et obscurité
Au fur et à mesure de notre visite, on constate que le bâtiment a été aménagé en dépit du bon sens. Les chevaliers du feu n’ont même pas de place pour cajoler leurs fidèles destriers. Ils sont forcés de nettoyer leurs camions dans la rue et entravent, par la même occasion, la moitié de la bande de circulation. Dans le garage, il fait aussi humide qu’à l’extérieur en ce mois de novembre.
Des bruits de gouttes brisent le silence glacial de l’arsenal. Entre les camions sont disposées, çà et là, des poubelles qui servent à récolter l’eau qui s’écoule du plafond. Le lieu est insalubre. Pourtant, nous avons encore de la chance. Quand ce ne sont pas les gouttes qui tombent, ce sont les égouts qui se bouchent ou qui débordent. Plus loin, nous tombons sur la salle de sport. Un lieu bien éclairé qui contraste avec le sombre garage que nous venons de quitter. Néanmoins, on y retrouve quelques similitudes dans son aspect. Ici, les tâches sur les murs ont laissé place à d’énormes trous.
Les civières flambants neuves et les tapis roulants font presque tache dans ce coin ravagé par le temps. Dans le deuxième garage, l’humidité et la pénombre sont tout aussi présentes que dans le premier. Il suffit de s’aventurer un peu plus loin pour être plongé dans l’obscurité complète. « Nous pénétrons dans les catacombes » plaisante notre accompagnateur au moment de nous faire découvrir la réserve de matériel. Sur les deux néons, un seul s’allume plongeant ainsi la moitié de la pièce dans l’ombre. Nous revenons sur nos pas pour découvrir l’étage, le lieu de vie des pompiers.
Du diesel à la cantine
Sur notre chemin, nous observons l’instrument typique d’une caserne : la barre de pompier. Qui n’a jamais rêvé de descendre accroché à cette fameuse perche de feu ? Cet objet permet aux hommes qui se trouvent à l’étage de se retrouver en un rien de temps au garage pour partir en intervention. Cependant, elle n’a pas que des avantages. Si elle permet de se retrouver de haut en bas rapidement, elle permet également à certaines substances de remonter. Les gaz de combustion, suivant les lois de la physique, se hissent et se dispersent dans tout le palier au démarrage des camions en contre-bas. Tels les effluves enivrants de diesel, nous quittons les ténèbres du bas pour monter dans un endroit plus clair, un paradis de lumière artificielle.
Un long couloir jaunâtre nous fait face avec une rangée innombrable de casiers de part et d’autre. Le standard téléphonique, la salle TV ainsi que le réfectoire se situent en façade et bénéficient de la clarté du jour. Un privilège que certains n’ont pas la chance de pouvoir s’offrir toute la journée. Nous redescendons plutôt vite de cette partie du bâtiment. Le délabrement est présent, mais il est loin d’atteindre ce que nous avons déjà pu observer.
Au moment de quitter notre guide, nous engageons une petite conversation avec lui. Nous n’avons reçu aucune autorisation d’interviews de la part de sa hiérarchie, mais rien n’empêche de discuter un peu. Ce qu’il nous a dit à propos de cette caserne, nous avons pu facilement l’observer. La moitié des choses sont sales, vieilles et déglinguées. La remarque « si l’on faisait venir l’hygiène ici, on peut mettre les scellés et fermer » paraît surréaliste lorsque l’on sait que l’on parle de la caserne d’une des plus grandes villes de Wallonie.
La lumière au bout du tunnel
Prisonnier de sa caverne, ce pompier nous laisse partir et rejoindre la lumière du jour. Lui est condamné à rester dans l’humidité et les ténèbres lorsqu’il ne combat pas le feu. Mais tout espoir n’est pas perdu. Ses collègues et lui quitteront ce bâtiment vétuste dans le courant de l’année prochaine. Direction une caserne flambant neuve.
En 2011, les pompiers du SRI de Charleroi avaient exprimé leur mécontentement en affichant une banderole « SOS caserne insalubre » à l’entrée de celle-ci. 4 ans plus tard, ils préparent la transition. Bientôt, ils investiront un lieu conçu pour et, en partie, par eux. Un vaisseau rond de 5 niveaux accueillera les soldats du feu à Marcinelle. Sa base sera composée des locaux techniques et de garages, conçus pour faciliter les entrées et sorties des véhicules. Les espaces de vie se trouveront aux niveaux supérieurs. Après avoir erré durant des décennies sous le Palais des Expositions, les chevaliers du feu migreront vers une nouvelle citadelle, loin des oubliettes de leur ancien fort.