La région carolorégienne a vu naître de grands noms de la bande dessinée tels que Franquin (Spirou et Fantasio, Gaston Lagaffe, Marsupilami), Morris (Lucky Luke), Roba (Boule et Bill), etc. Ensemble, ces dessinateurs et scénaristes ont formé l’«Ecole de Marcinelle », style de bande dessinée associée au Journal de Spirou et adepte de l’humour et de la caricature. Pour rendre hommage à ces artistes du 9ème Art, des statues et fresques à l’effigie de personnages de BD ont été érigées aux quatre coins de la ville.
Mais quelle est la place de la bande dessinée dans l’imaginaire local, lui-même en mutation ?
Qu’ils soient amateurs de BD ou pas, les Carolos pensent intimement que la bande dessinée est ancrée dans le patrimoine culturel et historique de Charleroi. Cependant, pour les principaux acteurs de ce secteur, la capitale wallonne de la bande dessinée a perdu de son éclat. En témoigne, Christophe Demanet, libraire chez Tropica BD :
Alain Henriet est Carolo et dessinateur de la série Damoclès (Editions Dupuis). Lui aussi déplore le manque de projets, aujourd’hui, dans son domaine, à Charleroi. « Nul n’est roi dans son pays. Je ne sais pas ce qu’il se passe encore à Charleroi autour de la bande dessinée, pour le moment. Pas grand-chose d’après moi et c’est vraiment dommage. »
Les Editions Dupuis étant nées à Marcinelle, l’idée de créer un musée en ville pour mettre la BD à l’honneur de manière permanente fait figure à ses yeux de passerelle possible entre un passé glorieux et un futur en construction.
La culture, cheval de bataille de Paul Magnette
Du côté des politiques, une réflexion autour de la place de la bande dessinée à Charleroi est d’ailleurs déjà entamée. « La volonté du bourgmestre Paul Magnette et des différentes équipes qui l’entourent, est d’offrir aux citoyens ainsi qu’aux visiteurs et touristes, une ville nouvelle », confirme Jean-Michel Filleul, membre de la chambre belge des experts en BD.
La bande dessinée est très représentée dans la ville, notamment sur plusieurs des ronds-points de Charleroi. Prochainement, précise Jean-Michel Filleul, les différentes statues (Marsupilami, Spirou et Fantasio, Boule et Bill et Lucky Luke) vont être remises en état et de nouvelles sculptures vont être envisagées : « On commencera par la création de statues représentant des personnages classiques et ensuite, nous travaillerons avec le nouveau répertoire des Editions Dupuis. »
Dans les mois à venir, une bibliothèque spécialisée dans la BD indépendante verra le jour à Charleroi. Initiée par l’asbl culturelle Le Vecteur, ce nouveau centre rassemblera un fonds indépendant de bandes dessinées belges et étrangères, mais pas seulement. Des ouvrages consacrés au design, au graphisme, à l’architecture, au cinéma, à la musique… compléteront l’offre des bibliothèques publiques, déjà présentes à Charleroi.
En parallèle à ce fonds d’ouvrages, le Vecteur prévoit la mise en place de résidences d’artistes.
« On imagine tout de manière transversale et multidisciplinaire » – Romain Voisin, coordinateur du Vecteur
Outre les statues qui arpentent la ville, des stations de métro sont décorées à l’effigie des personnages de BD.
Depuis la création du Vecteur, la bande dessinée a toujours représenté un axe central de l’asbl. La volonté de Pascal Verhulst, conseiller culturel de Paul Magnette et lui-même ancien coordinateur du Vecteur, a toujours été de montrer une approche contemporaine de la bande dessinée, ainsi qu’une vision complémentaire de ce qui se faisait et se fait encore aux éditions Dupuis : « On essaie de mettre en valeur aussi bien la bande dessinée indépendante que celle de chez Dupuis. Il ne faut pas être prétentieux ni condescendant vis-à-vis d’un certain public. Je pense qu’il y a moyen d’équilibrer les échanges de manière totalement rationnelle et intéressante entre des BD plus commerciales comme Boule et Bill, Lucky Luke, etc., et de la bande dessinée indépendante. »
En misant sur la culture, Paul Magnette souhaite conférer du prestige à Charleroi.
La métamorphose de Charleroi passera d’abord et avant tout par une mise en valeur de la culture et pas seulement de la bande dessinée. A travers des projets innovants et créatifs, Charleroi se façonne une nouvelle image : celle d’une ville moderne et pluriculturelle.
Laura Plumet, Hélène Lambert, Elise Malchair et Melody Delhausse