Véritable pôle régional des arts de la scène, le Palais des Beaux-Arts (PBA) est une des institutions culturelles les plus prestigieuses de Charleroi. Mais il semble surtout faire reposer son avenir sur la stabilité, voire sur un certain immobilisme, dans une ville qui est, elle, en pleine mutation. Quelles cartes le PBA a-t-il à jouer dans le paysage culturel carolo ? Comment ce pilier se positionne-t-il par rapport à ce renouveau culturel ?
Une fusion de 10 ans
Construit en 1957 par l’architecte Joseph André, le PBA est aujourd’hui le lieu culturel le plus subventionné de Charleroi avec l’Eden (Centre culturel régional de Charleroi). Pierre Bolle, directeur général des deux institutions à l’époque, voulait les rapprocher pour rationaliser et mutualiser les efforts en termes de dépenses et disposer d’espaces beaucoup plus importants. La fusion a eu lieu en 2002.
Dix ans plus tard, la Communauté française estimait qu’il valait mieux mettre fin à la synergie car elle s’est rendue compte que ça ne fonctionnait pas et jugeait qu’il était important qu’il puisse y avoir deux entités distinctes dans la gestion d’un projet. À partir de 2012, une nouvelle direction est redésignée. Pierre Bolle est actuellement à la direction du PBA. Les deux entités sont désormais bien séparées, mais elles n’excluent pas une possibilité de collaboration.
Évolution de la culture
Il y a vingt ans, la vision de la culture était évidemment différente. Il n’y avait pas tous ces moyens de communication que nous connaissons aujourd’hui. Pascal Verhulst, le conseiller culturel de Paul Magnette, confirme qu’avant, « on se centrait plus sur la musique, que ce soit de la chanson ou de l’opérette ». Il ajoute qu’un certain « professionnalisme » s’est instauré au fil des générations, que les mœurs évoluent et la qualité des spectacles aussi : « Le public s’est renouvelé. Heureusement qu’on n’est pas resté à des bases trop historiques ou trop classiques. Chacun des lieux s’aventure sur des terrains un peu plus mouvants, et c’est positif. »
La place du PBA dans la dynamique de renouveau culturel à Charleroi
Le PBA dispose d’une des plus grandes scènes de Wallonie avec pas moins de 1 800 places disponibles dans la salle. Selon Fabrice Laurent, directeur du Centre culturel, le Palais des Beaux-Arts a un côté plus « lyrique » que son centre. Depuis les années d’après-guerre, explique-t-il, le PBA vise une démocratisation de la culture, tandis que l’Eden penche plus pour une culture participative et associative.
Ainsi, confirme Denis Dargent, coordinateur régional de Présence et Action Culturelles (PAC), Charleroi s’adresse depuis peu à des artistes du cru : « On a mis beaucoup de temps à reconnaître qu’il y avait des talents. Ça commence à prendre notamment avec Mochélan (rappeur belge). L’Eden donne plus leur chance aux locaux ».
La programmation et l’offre du PBA, elles, sont vraiment larges. Il y a une forte demande pour les midis du classique (petit concert de violon de 45 minutes). Cependant, il faut avouer que la musique classique intéresse surtout un type de public vieillissant. Pascal Verhulst affirme qu’il est important d’envisager quelle mutation le public peut avoir dans les prochaines années car il est évident que le PBA a une vocation plus classique que d’autres lieux. C’est un enjeu pour l’institution de renouveler son audience et son potentiel de public.
« L’avenir, c’est d’être dans une vision qui soit attentive par rapport à la programmation des autres » – Pascal Verhulst
Pascal Verhulst confirme une certaine position dominante du PBA. « C’est un lieu de diffusion. Il est le plus subventionné dans le domaine de la culture à Charleroi. C’est un bâtiment qui appartient à la ville, une sorte de vaisseau amiral de la culture. Cet endroit est très identifié par les Carolos grâce aux concerts qui s’y déroulent. »
Mais le principal, assure-t-il, est que la ville mise beaucoup sur ses lieux culturels et que sa spécificité réside dans l’absence de concurrence entre les différents opérateurs. Un investissement financier de quatre millions d’euros est prévu concernant la réaffectation du bâtiment historique du PBA. Avec l’Eden, ces deux lieux historiques ont encore une certaine « vitalité », même si le PBA a été créé bien avant le Centre Culturel. Ce sont des endroits majeurs de Charleroi.
« Le PBA a sa place malgré le fait qu’on la critique par rapport à son manque d’ouverture envers les autres institutions culturelles. Il a son public et sa renommée et c’est important pour la population » – Denis Dargent
Pour Denis Dargent, le PBA n’est « pas directement lié au renouveau » dans le sens où il n’a pas une offre nouvelle mais il a fait des efforts pour la renouveler. L’opérette d’aujourd’hui n’est pas la même qu’hier. Selon lui, le PBA ne se montre pas intéressé outre mesure par la collaboration avec d’autres acteurs : « Pierre Bolle est plutôt du genre à faire son truc de son côté, sans se soucier de ce qu’il se passe autour de lui. Le PBA a un certain égo ».
Jean-Michel Van den Eeyden, directeur artistique et général du théâtre de l’Ancre, dit opérer, lui, beaucoup de partenariats avec l’Eden et le PBA. Il a conscience que son théâtre a moins de moyens et qu’il bénéficie d’une moindre réputation que les autres lieux culturels. Ce qui ne l’empêche pas de défendre l’influence de l’Ancre à Charleroi : « Chacun a ses missions spécifiques. Même si on a une taille plus réduite que le PBA ou l’Eden, nous avons néanmoins une plus grande visibilité pour les jeunes, car nous nous interrogeons en permanence sur l’avenir à offrir aux générations à venir dans le monde qu’on construit. »
« C’est important de trouver des partenaires qui s’y retrouvent au niveau du sens et pas juste qui mettent un peu d’argent et qui prêtent une salle mais qui viennent vraiment se renforcer et nous renforcer dans une action » – Jean-Michel Van den Eeyden