« D’meurer come ène beuwe! », en entendant les gens « berdèler », peut donner « mô s’ tiesse! ». En d’autres mots: « Rester ahuri » quand on entend les gens « bavarder » peut donner « mal à la tête ». Lorsque l’on se rend à Charleroi, il n’est pas rare d’entendre ce genre de propos: le wallon « carolo ». La langue, comme le paysage fait partie du patrimoine culturel du Pays noir.
Le terril est à Charleroi ce que les montagnes sont à Chamonix. Pourtant, dans ce contexte dédié au Dieu (ou au diable) de l’urbanisation industrielle, Charleroi est entré dans une phase de transformation depuis 2009. Outre centres commerciaux et moyens d’accès, il faut penser logements.
Un projet de longue date
Dans cette volonté d’offrir aux habitants de la région de nouveaux logements plus modernes et en adéquation avec les impératifs environnementaux, la Sambrienne, née en juin 2013 de la fusion des cinq SLSP (Sociétes de Logements de Service Public) qu’étaient le Foyer Marcinellois, le Logis Moderne, le Val d’Heure, le Versant Est et la Carolorégienne, a jeté son dévolu sur Mont-sur-Marchienne pour y créer un tout nouveau quartier, dit écoquartier « Les Closières ».
Le projet a vu le jour sous l’impulsion de Sabine Verhulst, présidente à l’époque du Val d’Heure. Elle voulait reproduire à Charleroi un écoquartier dans la même lignée que celui de Eva Lanxmeer aux Pays-Bas. Elle a donc tenu le projet à bras le corps afin de voir son idée prendre vie. Cela se concrétisera finalement grâce au soutien du conseil d’administration de l’actuelle Sambrienne. La première pierre de cet édifice a été posée le 6 janvier 2014 et la fin de la première phase des travaux est prévue pour fin mai 2015.
Ancien site d’exploitation minière, l’endroit est aujourd’hui un petit coin de verdure – mais quand même pas chez les « cinsîs » (paysans) – situé dans la périphérie immédiate de Charleroi, à une dizaine de minutes en voiture du centre-ville. On y voit des maisons d’un style beaucoup plus contemporain pousser presqu’au milieu de quartiers résidentiels déjà existants.
Enclave verdoyante de 18 hectares, le projet est encore en pleine construction et devrait « bén râte » (bientôt), à terme, compter quelque 600 logements tous inscrits dans une volonté de durabilité. A l’heure actuelle, le site est dans la phase 1 de sa construction et dénombre 35 maisons de trois chambres, avec une surface au sol de 135 m2 à disposition des acheteurs. La particularité des maisons présentes est qu’elles sont toutes mises en vente et ne sont donc pas accessibles à la location.
Pour acquérir un de ces biens, il y a certaines conditions à remplir. Ne pas être déjà propriétaire d’un bien (ni en pleine propriété, ni en usufruit) ainsi que, autre critère et non le moindre, bénéficier de revenus annuels imposables situés entre 27 400 euros et 42 000 euros pour une personne seule et entre 34 200 euros et 51 300 euros pour plusieurs personnes. Chaque montant se voit augmenté de 2 500 euros par enfant à charge. « Jésu Maria déyi! , Y faudra wétî a ses pepions !» (« Jésus Sainte-Marie, il faudra regarder à ses sous ! »).
Un écoquartier, c’est quoi ?
La notion d’écoquartier insiste sur la prise en compte de l’ensemble des enjeux environnementaux par le biais d’une liste de 25 critères répartis en cinq thématiques. Pour pouvoir prétendre à cette dénomination, il est impératif de remplir au minimum 20 des 25 conditions pour toute nouvelle construction du genre. De plus, dans ces 25 points, sept sont obligatoires à respecter. L’accent y est surtout mis sur les éléments d’accès et de localisation, alors que trois critères seulement déterminent les performances énergétiques nécessaires pour y prétendre.
L’appellation écoquartier se base donc plus sur l’environnement, le microcosme établi par l’ensemble des habitations, que sur les qualités énergétiques de chacune d’elles prise à part. Le tout est donc plus que l’ensemble des parties. Or, dans le projet actuel des Closières, le « produit » vendu est plus la maison « basse consommation » que l’écoquartier dans son ensemble.
Interview de Fabrice Jacqmin, directeur immobilier de La Sambrienne
Les bâtisses des Closières étant nouvelles, elles se fondent dans le moule du « sus au gaspillage de l’énergie » mais ne sont pas des références ultimes dans leur domaine. À la décharge de La Sambrienne, le but reste de créer des logements pour des revenus moyens. Les équiper plus auraient été synonyme d’augmentation drastique du prix de vente, ce qui aurait impliqué de ne pas réussir à toucher le public visé.
Quelques manquements
Dans son idéal d’écoquartier, Sabine Verhulst exprimait le souhait d’avoir au moins un ou deux logements adaptés pour les personnes à mobilité réduite. Si cette volonté lui tenait à cœur, force est de constater que dans les 35 maisons actuellement construites, cette demande n’a, pour l’instant, pas été respectée. Si l’on se base sur la maison témoin, l’accès à l’étage semble bien compromis avec un escalier dont l’absence de rampe souligne la dangerosité éventuelle d’une simple envie de monter à l’étage.
Pourtant, au moins 10% des logements doivent normalement être accessibles aux PMR (personnes à mobilité réduite) ou transformables sans travaux lourds. Si l’ajout d’une rampe ne constitue pas un défi insurmontable, l’organisation à étages de ces maisons les rend presque impossibles à habiter pour les personnes qui ont plus de difficultés à se déplacer. Quand on sait que le prix de ces habitations actuelles oscillent entre 177 000 et 188 000 euros, c’est un détail non négligeable pour attirer la clientèle potentielle.
À l’image de cet « oubli », certains aspects propres à ce type d’endroit semblent perfectibles, notamment au niveau de la mobilité. Les transports en commun pourraient mieux desservir l’endroit et des stations de vélos auraient pu être prévues, avoue Fabrice Jacqmin.
Un projet qui ne fait pas l’unanimité
« Au début, il y avait une réticence des riverains car ils habitent dans un coin tranquille mais le reste du terrain ne leur appartient pas. Donc, ils devaient bien se douter qu’un jour ou l’autre on construirait dessus. » C’est par ces mots que Sabine Verhulst aborde le sujet des riverains, qui vont bientôt devoir partager leur petit coin de verdure avec ces nouvelles constructions.
Depuis son lancement le projet des Closières a été le sujet de beaucoup de « margayes » (désaccords) et il reste quelques éléments à modifier ou à perfectionner. D’ici la fin des travaux, des améliorations sont encore possibles mais, à l’heure actuelle, comme le dit le directeur immobilier de La Sambrienne : « C’est un écoquartier 1.0 »