Première métropole wallonne, Charleroi n’a jamais été célèbre pour le nombre de touristes qui y affluent. Cependant, depuis quelques années, un nouveau genre touristique est né : « Charleroi Safari ». Le concept a été lancé en 2003 par Nicolas Buissart. Il n’était alors pas question de se prendre au sérieux, mais l’idée a fait écho et aujourd’hui touristes et médias affluent d’un peu partout depuis l’Europe.
A défaut du 4×4, c’est en camionnette que l’hôte mène ses touristes à sa jungle, sautant d’un Carolo à un autre, variant entre culture locale, usine désaffectée et humour tranchant. Singeant quelques stéréotypes carolorégiens, le guide s’efforce d’offrir à ses clients des centaines de paysages photogéniques, plusieurs œuvres et bâtisses originales et quelques personnalités excentriques dont certaines choqueraient parfois plus qu’un couple de vieux bonobos en rut. L’idée est là : compter sur la sensibilité du visiteur pour trouver beau ce qui paraît moche et ridicule.
Mais si le safari cartonne aujourd’hui, il n’en ira peut-être pas de même demain. La ville change, la métamorphose est en pleine boom. Celui qui se fait appeler « l’aristo-baraki » paraît d’ailleurs assez pessimiste quant à l’avenir de son projet. En effet, si demain Charleroi s’embellit, change ses échoppes en centres commerciaux, ses routes en avenues, ses quartiers chauds en quais boisés, la ville n’attirera peut-être plus ces petits curieux avides de laideur. Les loyers augmenteront aussi vite que l’âme carolorégienne dépérira, et le safari avec elle.
Changement d’itinéraire
Après une courte balade dans ce qu’une certaine presse appelle « la plus laide ville du monde », suivant Nicolas Buissart à travers les banlieues carolos, nous avons voulu changer les règles, modifier l’itinéraire. Nous voulions déstabiliser notre guide et lui avons proposé un autre circuit, vierge de tout safari. Nous lui avons demandé de nous emmener dans le centre-ville de Charleroi, entre ville haute et ville basse, dont les travaux ont commencé depuis peu. Un peu dérouté, assez excité, il a accepté le pari. Nicolas Buissart se prête au jeu et improvise pour nous une balade, loin des chantiers battus.
« La laideur est véritablement belle »
« J’ai d’abord pensé que le safari de Nicolas Buissart tirait parti de la laideur de la ville. Et c’est en quelque sorte son but. Attirer les touristes et les médias qui s’imaginent qu’ils vont voir la maison de Dutroux ou encore la famille de 31 enfants à Marcinelle. En fait, ce que le prince de Marchienne a en tête, est toujours plus inattendu. Et si la laideur de Charleroi était en fait sa beauté ? Quand nous avons lancé le challenge à Nicolas Buissart de nous imaginer un safari dans le centre-ville, nous savions que ce serait un pèlerinage à la rencontre de ces fameuses bestioles qui peuplent la ville-chantier. Pour moi, ce qui fait la richesse de Charleroi, c’est sans aucun doute, les Carolos. J’ai voulu m’imprégner de la ville à condition que le circuit soit humain. Les photos représentent le safari au travers mes yeux. Ici, pour moi, la laideur est véritablement belle. » – Eden Krsmanovic