Charleroi, son stade de foot, ses stéréotypes et sa ville basse en travaux. Ce sont les représentations qui viennent le plus souvent à l’esprit quand on n’y habite pas soi-même. Ce qui échappe souvent à la perception commune, c’est que les travaux de la ville basse sont un enjeu réel pour la survie de cette partie de Charleroi. De nombreux, et peut-être derniers, espoirs reposent sur un projet : Phénix. De nouvelles rues piétonnes, des habitations et la rénovation de centres culturels sont au programme.
Au cœur de ce projet, un nouveau centre commercial, appelé Rive Gauche qui devrait ouvrir en septembre 2016. Derrière ces bonnes idées, de nombreuses interrogations se posent. Y’a-t-il une demande pour un nouveau centre commercial à Charleroi ? Ville 2, un mastodonte de 25.000 mètres carrés distribués en 120 boutiques et restaurants, existe déjà dans le haut de la ville. Les clients délaisseront-ils Ville 2 ? Cette habituée du complexe garde la porte ouverte.
Courtrai comme – mauvais – exemple
Quelques réserves et beaucoup de bonnes intentions, c’est une manière de résumer ce qui est en cours dans la ville basse actuellement. Du côté de Ville 2, probable futur concurrent de Rive Gauche, on ne s’affole pas. Alain Ghyssens, président de l’association des commerçants :
Et le manager du centre commercial d’utiliser le même ton, du moins en façade. Si Pol-André Lebeau nous accueille dans son bureau, il refuse l’enregistrement de ses propos et balaye d’un revers de la main certaines questions. La communication semble bien préparée, très, voire trop contrôlée : Ville 2 ne craint pas Rive Gauche et la direction de Ville 2 refuse même les termes « menace » et « concurrence ». « Les concurrents, ce sont les petits commerçants », affirment en choeur les deux parties prenantes du centre commercial. Et curieusement, comme si la consigne avait été donnée, chacun nous sert l’exemple de Courtrai sur un plateau.
Dans l’analyse du cas de Courtrai, Jean-Luc Calonger, spécialiste des surfaces commerciales, explique à la RTBF que « le centre commercial est pratiquement imperméable, c’est-à-dire (…) que les gens ne voient pas la rue piétonne. Les gens se déplacent avec leurs yeux d’abord et donc si on ne voit pas, on n’y va pas. » Autrement dit, la désertification du centre-ville de Courtrai est davantage la conséquence de son architecture que de son positionnement géographique. Si les sorties du centre desservent les commerces extérieurs, ceux-ci continuent à vivre. Dans le cas contraire, ils verront, impuissants, le succès du centre Rive Gauche. Et c’est évidemment dans ce deuxième scénario que croient dur comme fer les dirigeants et parties prenantes de Ville 2. Difficile à dire, à ce stade, laquelle des deux théories se vérifiera pour Rive Gauche.
Garder les consommateurs dans la galerie
Là où Ville 2 tient aussi à se démarquer, c’est dans sa raison d’être en tant que surface commerciale. Le but avoué est de garder au maximum les gens dans la galerie. Le complexe ne se définit pas comme un centre commercial mais comme un centre de loisirs constitués de quatorze salles de cinéma, de restaurants et de cafés. Mais s’il devait y avoir une « unique selling proposition » en termes de marketing, c’est sans conteste l’accessibilité de Ville 2 par rapport au centre ville, et le parking de 2.000 places.
Le paradoxe Primark
Le problème des places de parking sera un enjeu réel dans le choix des Carolorégiens. Beaucoup nous ont dit délaisser la ville basse actuelle en raison du faible nombre de places disponibles. D’autant plus qu’elles sont payantes. Sous Rive Gauche, ce sont 900 places de parking qui devraient attendre les clients du centre commercial et d’un de ses magasins phares : Primark ! Le géant américain annoncé laisse en général peu de place pour ses voisins, aussi bien dans la galerie que dans le parking. Cela s’est par exemple vérifié à Bruxelles et à Liège. Affichant un sourire explicite, Alain Ghyssens prévoit un scénario identique.
Malgré ce type de spéculations, le projet Rive Gauche semble être l’une des dernières bouées à laquelle la ville de Charleroi souhaite s’agripper pour redynamiser la ville basse. En face, Ville 2 ne bronche pas. En dépit des annonces, depuis une dizaine d’années, de l’arrivée de Rive Gauche, l’équipe dirigeante continue les investissements. La dernière extension du centre commercial date de 2012 et aujourd’hui, tous les emplacements sont occupés, malgré des tarifs de location trois fois plus chers qu’en centre-ville. Ville 2 ne panique donc pas et chaque jour qui passe jusqu’à l’arrivée de Rive Gauche semble leur donner raison.