D’emblée, Claire (nom d’emprunt) explique que les vingt années qu’elle a passées en prison lui ont arraché une part d’elle-même. Elle considère sa peine comme une injustice et confie qu’il y aurait des erreurs dans son dossier. Au début remplie de haine et de chagrin, elle comptait les jours qui lui restaient avant sa libération. Elle songeait même au suicide. Mais sa conversion à la chrétienté lui a permis d’atténuer cette colère.
D’après elle, la prison ne change pas les personnes, tout dépend des volontés individuelles. En ce qui la concerne, elle en est ressortie avec quelques kilos en plus, mûrie, plus croyante que jamais, divorcée et diabétique.
Apeurée et isolée
Elle voit la prison comme le lieu de tous les vices (relations non consenties entre surveillants et détenues, production clandestine d’alcool, contrebande, etc.), même si les nouvelles législations ont changé beaucoup de choses.
Elle devait faire face à un sentiment de peur permanente : crainte de certaines codétenues ou que quelque chose arrive à ses enfants à l’extérieur, sans qu’elle ne puisse rien y faire. Coupée du monde par les murs, les moments les plus durs étaient toujours liés à sa famille, trop loin d’elle.
Quand elle ne priait pas, Claire mettait son temps à profit pour pratiquer des activités artistiques et sportives : danse contemporaine, théâtre, chant, peinture et footing. Tout ce qui pouvait lui faire oublier son corps douloureux et son stress perpétuel.
A demi libérée
Au fil du temps, Claire a commencé à prendre du recul avec sa situation et ses problèmes pour se consacrer à la préparation de sa sortie. Mais celle-ci ne s’est pas déroulée comme elle l’espérait, puisqu’elle s’est vue imposer le port d’un bracelet électronique. Sa première nuit dehors lui valut une crise d’angoisse. Elle ne comprenait pas pourquoi on lui infligeait cela, alors qu’elle avait purgé sa peine. Ce fut une période très dure pour elle, avec l’inquiétude de retourner en prison à n’importe quel moment.
Aujourd’hui, Claire est inscrite à Pôle Emploi et recherche activement un travail. Elle vit dans une Maison Relais et entretient avec plaisir ses relations avec ses amis et sa famille. Elle souffle qu’elle doit s’armer de patience pour mener à bien sa réinsertion et qu’elle essaye d’avancer sans rien oublier pour autant.
Dans les prisons francophones de Belgique, la colère gronde et ne désenfle pas. Depuis le 25 avril 2016, les agents pénitentiaires font grève en réaction à l’ajustement budgétaire du ministre de la Justice Koen Geens. Les conditions de détention s’en trouvent fortement impactées. C’est dans ce contexte que nous donnons la parole à d’anciens détenus tout au long de la semaine. Ces rencontres ont été réalisées en France entre décembre et juillet 2015, dans le cadre d’un « crédit projet », c’est-à-dire un projet journalistique libre réalisé en fin de cycle de baccalauréat. Elles sont l’occasion d’une réflexion sur l’enfermement et ses séquelles.
Lire notre dossier “Libérés sans garder de traces ?”
[…] Claire, chrétienne, divorcée, diabétique et ancienne détenue […]