10
Mar
2018

Dans les manuels scolaires de l'enseignement fondamental, la représentation du modèle familial homoparental commence à faire son apparition.

Comment parle-t-on de la famille sur les bancs de l'école ?

Dans les manuels scolaires de l'enseignement fondamental, la représentation du modèle familial homoparental commence à faire son apparition.

10 Mar
2018

Comment l’école aborde-t-elle l’homoparentalité ?

« Si tout le monde croit savoir ce qu’est la famille, il est intéressant de constater qu’elle ne possède pas de définition rigoureuse », selon l’anthropologue française Françoise Héritier. « Rien de ce que nous faisons ou pensons n’est issu directement de lois naturelles. Tout passe par un filtre mental, produit d’une réflexion collective qui prend forme à un moment de notre histoire, évolue et peut encore évoluer ». Selon Salvatore D’Amore, psychothérapeute et chercheur à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Liège : « En Europe, le modèle standard classique est celui d’une famille blanche, européenne, qui n’a jamais connu de séparation, vivant sous le même toit et dont les parents sont hétérosexuels. Ce modèle type ne colle plus à la réalité ». 

Si la famille évolue, on peut se demander de quelle façon l’enseignement primaire traite de ces évolutions. Comment présente-t-il les différents modèles familiaux aux enfants ? Aborde-t-il de l’homoparentalité ? Et comment inclut-il ces réalités dans les cours et les manuels scolaires ?

« Je n’ai pas encore remarqué de cas de parents homosexuels dans les manuels. Mais ça viendra” (Delphine, institutrice)

Aujourd’hui, l’école sensibilise de plus en plus les enfants à la multitude des configurations familiales possibles. De nombreux enseignants s’efforcent de leur inculquer les principes de « tolérance » et de « non-discrimination » dès le plus jeune âge.

« Pour le moment, les manuels que nous utilisons sensibilisent les enfants au divorce, aux différentes religions et aux différentes cultures » explique Delphine, institutrice primaire à l’Athénée Royal d’Enghien. « Je n’ai pas encore remarqué de cas de parents homosexuels dans les manuels. Mais ça viendra. Il faut vivre avec son temps ».

En France, le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (SNUIPP-FSU) a déjà produit un ensemble de guides qui visent à lutter contre l’homophobie dès l’école primaire. A travers des outils théoriques et pratiques, le SNUIPP propose un ensemble de cours pour sensibiliser les enfants à la diversité des familles, et notamment au cas des familles homoparentales.

Le SNUipp produit des fiches pédagogiques pour conduire les enfants à adopter un point de vue ouvert sur les réalités sociales actuelles et les nouveaux modèles de famille.

Alter-Visio ou Gris militent dans les établissements scolaires

Depuis 2012, des cours d’Education à la vie relationnelle, sexuelle et affective (EVRAS) ont été ajoutés au décret des missions de l’enseignement fondamental et secondaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). C’est l’un des cadres ou la sensibilisation à l’homoparentalité est la plus visible. Dans ces cours, interviennent notamment des associations comme le Groupe d’Intervention Scolaire (GRIS). Il s’agit d’une initiative développée depuis une vingtaine d’années au Québec et importée à Bruxelles en 2016. Le GRIS se félicite d’avoir déjà « sensibilisé » 5000 jeunes à la lutte contre l’homophobie.

Une association comme Alter Visio milite également dans le cadre scolaire : « Nos intervenants se rendent en classe. Nous essayons de partir des représentations sur la diversité des orientations sexuelles des élèves, tout en évitant de mener des actions one-shot », précise Emanuela Del Savio, coordinatrice d’Alter Visio, “Les manuels de demain devront être plus inclusifs et éviter tout stéréotype de genre”.

Un débat qui ne fait pas l’unanimité

Parmi les enseignants, comme parmi les parents d’élèves, les réactions par rapport à l’évolution des représentations du modèle familial dans l’enseignement primaire sont diverses. Xavier (prénom d’emprunt) a grandi dans une famille traditionnelle. Lorsqu’il a eu onze ans, sa vie a été chamboulée. « Ma mère a découvert qu’elle était lesbienne et a quitté mon père pour s’installer avec sa copine. A partir de ce moment-là, je n’ai presque plus vu mon père. La relation que j’entretenais avec ma mère et sa copine était malsaine. Il n’y avait pas de respect mutuel, sans parler de tendresse. Je n’accepterai jamais qu’un professeur apprenne un jour à mes enfants qu’avoir des parents homosexuels c’est quelque chose de normal ».

Magdalena est professeur d’anglais dans une école privée du Hainaut. Un de ses élèves est élevé par deux femmes qui entretiennent une relation libre. « Ce petit garçon est tout le temps triste à cause de cette situation. C’est vrai que c’est délicat de lui donner cours sur la famille étant donné qu’il n’a pas la chance d’avoir un papa et une maman. Mais ce n’est pas pour ce cas unique que je vais changer ma manière d’enseigner »

Éric, directeur de l’école Notre-Dame d’Evere, voit les choses autrement. Pour lui, l’enseignement catholique belge francophone s’ouvre à la question de l’homoparentalité, et la plupart des Belges acceptent cette évolution sociétale. « Je travaille dans l’enseignement depuis plus de 30 ans et c’est clair que la manière dont on présentait la famille dans les années 1980 n’était pas la même que maintenant. La différence des rôles paternels et maternels était plus marquée, parfois même jusqu’à tomber dans le cliché. Aujourd’hui, on est au 21e siècle. Les temps changent. Il faut s’adapter. »

En réfléchissant sur ces questions, Eric a invité les professeurs de son école à ne plus proposer d’exercices pouvant mettre certains élèves mal à l’aise par rapport à leur situation familiale. A titre d’exemple, les enfants inscrits au cours de religion n’auront plus l’obligation d’afficher leur arbre généalogique au mur de la classe comme ils le faisaient auparavant. Que les professeurs soient ou non à l’aise avec l’homoparentalité, l’essentiel, en fin de compte, est qu’ils fassent passer le bien-être des enfants avant tout, et qu’ils leur évitent d’être victimes de stigmatisation en raison de leur situation familiale.

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