Son regard bienveillant réchauffe la cuisine aseptisée du local bruxellois de l’ASBL Opération Thermos. Daniel Halconruy en est le président et co-fondateur. En novembre 1985, au retour d’un week-end de formation scoute, où il est formateur (en plus de son travail de responsable des uniformes à la STIB), il est frappé par la pauvreté qui règne Gare du Nord. Il décide alors de distribuer avec deux unités scoutes des sandwiches et des thermos de café aux sans-abris. « Le scoutisme, c’est aller à l’approche de l’Autre, être ouvert à l’Autre, et je crois qu’on ne pouvait pas avoir mieux que cela pour lancer l’Opération Thermos », affirme-t-il.
Si l’Opération Thermos arrête, on a 150 personnes qui n’auront pas à manger tous les jours.
L’ASBL naît officiellement deux ans plus tard, car « vue l’ampleur prise », ils ne pouvaient plus continuer d’être chapeautés fiscalement par la Fédération des Scouts Catholiques de Belgique : « Notre implantation devenait trop conséquente pour que la Fédération continue de bien vouloir se porter garante. Les dirigeants n’étaient plus aptes à nous suivre ». Depuis, tous les ans, 600 bénévoles se relaient pour servir gratuitement 150 repas aux plus démunis, dans la station de métro Botanique à Bruxelles. Au menu : soupe, plat chaud, dessert et café.
Daniel Halconruy, aujourd’hui prépensionné, reconnaît que l’association lui demande beaucoup d’investissement personnel : « Il faut compter au moins 25 heures toutes les semaines ». Son épouse confie que parce qu’il se « donne à fond dans tout ce qu’il se lance », la vie de famille peut pâtir de ses horaires. Le temps libre qui lui reste est consacré à ses petits-enfants et au bricolage. Sa femme ajoute, apaisante : « S’il y a un problème, il sera toujours là pour nous ». Il ne songe cependant pas à mettre fin à son activité : « Si l’Opération Thermos arrête, on a 150 personnes qui n’auront pas à manger tous les jours. Ce ne sont pas nos pouvoirs publics qui vont les assumer ».
L’accent gaumais et la parole déterminée
Les griefs contre les pouvoirs publics se révèlent être nombreux. Après les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016, les stations de métro ont été fermées par mesure de sécurité, au regret de Daniel Halconruy : « Soyons réalistes, ce ne sont pas les sans-abris qui seraient attaqués ». L’Opération Thermos s’est ainsi terminée quinze jours avant la fin. Pour la saison 2017, l’ASBL a besoin d’un plan B pour pallier d’éventuels nouveaux attentats. La Ville de Bruxelles ne semble pas prompte à leur fournir de solution. Quant à la police des chemins de fer, elle ne souhaite également plus assurer la sécurité des distributions, car cela leur demande trop d’heures supplémentaires. L’ASBL devra s’en occuper seule.
Daniel Halconruy a l’accent gaumais et la parole déterminée. Ce qui le motive depuis tant d’années, « c’est le contact humain et la satisfaction d’offrir des repas chauds totalement gratuits », et ce malgré l’absence de subsides « pour rester 100 % autonomes et pluralistes ». Autour de lui, des milliers de ballotins de truffes s’entassent dans le local. Il y a quelques années, Daniel Halconruy a eu l’idée d’en acheter tous les ans à un fournisseur belge et de les revendre dans plusieurs points de vente pour financer l’Opération Thermos. Une remorque est également garée là, remplie d’une tonne de pommes de terre ramassées lors d’un glanage proposé par leur partenaire Exki, une chaîne belge de restauration. Il sourit et se demande, pensif, comment les équipes de bénévoles les cuisineront.
« Généreux » semble être le mot qui le définit le mieux. Selon lui, son ouverture et sa disponibilité envers les autres sont ses qualités principales. Le vice-président de l’association, Robin Van den Broeck, ajoute : « S’il n’accorde pas facilement sa confiance lorsqu’il s’agit de partager sa vie privée, il n’a jamais peur de donner leur chance aux gens (…) Même si la personne est un peu louche, il n’aura pas peur de lui confier des responsabilités à partir du moment où elle ne le déçoit pas ».
« Sans lui, Thermos s’effondre, c’est clair »
Daniel Halconruy a actuellement deux projets sur le feu : un déménagement personnel et la recherche d’un nouveau local pour préparer les repas de l’Opération Thermos. Ses yeux pétillent lorsqu’il évoque son intention de racheter une ancienne station service pour y installer l’association. En effet, il doit actuellement faire face aux plaintes des voisins pour les bruits de casseroles et à un loyer de 980 € par mois, ce qui n’est pas une mince affaire. Il soupire qu’à « ces conditions-là, on cherche ailleurs ».
« Je suis un grand râleur et quand j’ai quelque chose à dire, je ne vais pas tourner autour du pot, que ça vous plaise ou pas », avoue Daniel Halconruy dans un éclat de rire. Celui qu’il appelle son « bras-droit » explique ce trait de caractère par son « exigence » et confie : « Sans lui, Thermos s’effondre, c’est clair ». Si « personne n’est irremplaçable » selon son épouse, personne jusqu’à présent n’a souhaité reprendre son mandat.
Daniel Halconruy ajoute, crispé dans la veste qu’il a gardée pour se tenir chaud : « Honnêtement, j’aurais les tripes qui se coinceraient si je voyais Thermos s’arrêter. C’est le problème côté associatif, il n’y a pas beaucoup de personnes qui ouvrent leur porte. C’est vrai que c’est un gros travail, une grosse responsabilité ». Simple et pragmatique, il s’implique chaque hiver depuis 31 ans dans l’association, comme pour donner raison à l’Homme révolté d’Albert Camus, pour qui « la vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent ».
Bonjour,
Ce Monsieur est un “Saint Homme ” !
Bravo !
Il me rappelle l’Abbé Pierre
À bientôt
Un grand merci pour ton article Juliette.
Un grand merci pour ton article Juliette.