Ce mercredi 1er avril 2015, la consigne était simple : investir le Parlement européen, armés de nos badges d’accréditation pour traiter ce lieu sous un angle journalistique ‘décalé’. Arrivés à 9h, les portiques de sécurité ne fonctionnent pas à l’entrée réservée aux journalistes. Nous passons donc cette première étape facilement, fait rare au Parlement.
On parle peu du Parlement – à Bruxelles comme à Strasbourg – car il possède un poids décisionnel relatif dans le triptyque démocratique de l’appareil européen (avec la Commission et le Conseil de l’UE). Pourtant, lui aussi subit l’après-Charlie. On n’y entre plus sans une fouille détaillée et une vérification des cartes d’identité.
Nous ne nous doutions pas alors que nous n’en avions pas terminé avec la sécurité. Mais déjà, elle nous pose question. Les remontrances fusent quant à notre accréditation : n’ayant que l’autorisation ‘presse-écrite’, interdiction formelle de prendre de l’image, photos comme vidéos. Il est vrai que les journaux “papier” n’ont pas besoin de photos… Quoi qu’il en soit, nous constatons que la sécurité fonctionne sur un système archaïque, poussé à son paroxysme : si quelqu’un désire prendre une photo, il n’a qu’à sortir (discrètement) son smartphone.
Volontairement ou pas, le Parlement européen est un véritable labyrinthe. Novices, le chemin devra nous être montré à plusieurs reprises. Direction le premier étage : on le sait peu mais le Parlement dispose de sa propre allée commerçante. Pressing, coiffeur, agence de voyage… Tout est fait pour que les députés s’y sentent comme chez eux, sans avoir à affronter le climat national.
Au fil des heures, nous nous habituons au fonctionnement du lieu : à cette heure-là, l’étage ressemble à une fourmilière. Seuls trois commerces indépendants acceptent de répondre à nos questions, tranchant avec la réserve ambiante. Comment se sont-ils retrouvés à servir une clientèle de parlementaires ? Sur quels critères ont-ils été sélectionnés pour s’implanter dans le bâtiment ? Quelles compétences, notamment linguistiques, les vendeurs doivent-ils posséder ? Rien de bien incisif.
Vers quinze heures et dans l’attente d’une énième interview, notre sujet de conversation principal devient le reportage-sensation diffusé dernièrement sur la chaîne belge RTL-TVi. Intitulé “Menace terroriste”, on y voit des journalistes pénétrer des lieux stratégiques de la capitale, comme le Palais de Justice, la Commission ou – justement – le Parlement, munis d’armes factices.
Au milieu de la conversation, des mots comme “arme” et “menace” retiennent l’attention d’oreilles indiscrètes. Il n’en faudra pas plus pour que, dans le flot de passants en costumes et tailleurs, l’alerte soit donnée. Une équipe de la sécurité nous observe quelques minutes, nous entoure puis nous interpelle une première fois pour relever nos noms et vérifier nos badges. Une deuxième fois, en pleine interview, elle nous appréhende pour nous interroger sur l’heure de notre arrivée et sur l’entrée que nous avons empruntée, cette entrée même où les portiques de sécurité ne fonctionnaient pas.
Une troisième fois, on nous interpelle au “security point” le plus proche, pour une fouille au corps digne des aéroports les plus contrôlés.
En moins de temps qu’il ne le faut pour l’écrire, nous sommes devenus un potentiel danger pour avoir évoqué un reportage qui n’est pas le nôtre. De journalistes en devenir à potentiels terroristes, notre statut a très vite changé. Après avoir été innocentés, nous sommes relâchés par la sécurité du Parlement. Suite à ces mésaventures, le malaise autour de notre cas est resté palpable… jusqu’à notre départ.
Holala. Pauvres ihecsiens!