Au troisième étage de l’IHECS, une quinzaine d’étudiants s’attendent à découvrir comment réaliser un court-métrage d’animation. L’atelier de journalisme qui va débuter consistera à mettre en images une problématique européenne dans un court film destiné au projet Engage Europe (voir encadré ci-dessous). La surprise ne tardera pas : l’apprentissage du motion-design est en réalité celui du papier-découpé.
Une technique exploitée depuis 1928
Originellement Cut-Out en anglais, cette technique d’animation consiste à fabriquer des personnages, objets ou décors à partir de papiers préalablement découpés et collés ensemble. Les aventures du Prince Ahmed, de Lotte Reiniger, est le premier documentaire réalisé grâce à ces outils, en 1928. Têtes, bras, jambes, etc. peuvent être séparés afin de permettre une plus grande liberté de mouvements, c’est au choix. Ceux-ci sont ensuite mis en mouvement grâce au processus de stop-motion, qui consiste à prendre des prises de vues des personnages et des objets entre leurs légers déplacements. Un appareil photo, fixé sur un pied, associé à une diffusion vidéo à une vitesse de 12 images par seconde permettent tout simplement de créer de l’animation. Une technique qui demandera donc beaucoup de patience…
Un film pour questionner le futur de l’Europe
Mais, que raconter ? Le résultat de cet atelier rejoindra le large projet Engage Europe, qui court jusqu’à l’automne 2018. Une journée de discussions nous amène à nous interroger sur la présence des institutions européennes à Bruxelles. Quel est l’impact du quartier européen pour les habitants de celui-ci ? Dans un quartier où les parlementaires sont très souvent entendus, nous voulions connaître la pensée des habitants. Et surtout, quelle est la place de la voix citoyenne au sein de l’Europe ? A l’heure des eurosceptiques et europhobiques, confronter la pensée de divers politiques à celles des citoyens européens, et principalement bruxellois, est nécessaire dans le questionnement sur le futur de l’Europe. Il faudra attendre le mois de décembre pour découvrir ces réactions citoyennes dans notre reportage d’animation.
Barcelone, Londres, Tübingen, Mechelen, Cluj-Napoca… Et Bruxelles ! Le projet INsPIrE vise à promouvoir le pluralisme de l’information et à explorer de nouvelles pratiques et formats journalistiques en positionnant le citoyen comme producteur d’informations. Le but est de créer un réseau d’échanges entre les six universités, ce grâce à des ateliers transnationaux ainsi qu’à un nouveau média transnational alternatif, mis en relation avec six médias locaux par et pour les jeunes, tels que le Bruxelles Bondy Blog. Ce projet est également l’occasion de donner la parole aux jeunes de quartiers sous-représentés ou de communautés stéréotypées dans les médias, en les invitant à travailler coude-à-coude avec les étudiants des universités partenaires dans des ateliers de co-création médiatique.
INsPIrE, ce sont des ateliers tout au long de l’année, une summerschool en juin 2018, une publication scientifique à l’automne et enfin l’élaboration d’un outil pédagogique multimédia pour diffuser les diverses réalisations. Le projet est co financé par le programme Erasmus + de l’Union européenne. A suivre…
Les papertoys, jouets de papier
De manière à ne pas se perdre trop longtemps dans les activités de bricolage, l’idée d’utiliser des papertoys est mise sur la table. Les papertoys sont des personnages en papier à imprimer et assembler afin d’obtenir des figurines en 3D, avec des grosses têtes carrées. Cendrillon, Lady Gaga, le Roi Lion… l’univers papertoy est vaste et varié.
Ces personnages étant loin des sujets journalistiques habituels, notre équipe est très perplexe à l’idée de narrer un récit journalistique avec de tels « intervenants ». Angela Merkel ou Guy Verhofstadt ne font bien sûr pas partie de l’index papertoy et il nous a dès lors fallu les créer.
Quelques clics dans Photoshop remplacent le bistouri, les modifications corporelles fonctionnent à merveille. Voilà comment Barney Stinson devient Marine Le Pen ou comment Penny de Big Bang Theory représente un témoin de micro-trottoir. Huit visages sont créés par personnage, afin de pouvoir intervertir les bouches en fonction de ce qu’il faudra leur faire dire et pour leur permettre de cligner des yeux.
Après l’impression et l’assemblage des papertoys, et après installation du studio, trois jours de shooting démarrent. La bande sonore est terminée, les discours sont bien clairs et concis.
Pour un témoignage de 16 secondes, il nous faudra réaliser 192 photographies, soit 192 fois les mêmes mouvements. Autant dire que pour 1 minute 30 secondes de citation de Marine Le Pen, cela nous a pris la journée ! Changer la tête du papertoy, l’incliner plus à gauche ou plus à droite, chipoter un peu afin qu’elle soit bien en alignement avec le corps, appuyer sur Enter afin de prendre la photo et recommencer. Les actions sont très répétitives et peu passionnantes.
Un bilan mitigé pour cet atelier
Le processus de stop-motion est un travail facile, presque trop. L’intérêt journalistique disparaît derrière ces jouets et les journées sont longues. Enfin, les résultats sont caricaturaux, mais sympathiques. L’animation justifie l’exagération et la mise en avant de certaines caractéristiques, Marine Le Pen en deviendrait plus agréable à regarder qu’à la télévision.
Il s’agit d’une technique pouvant mener à d’incroyables résultats, mais son long déroulement nécessite énormément de temps et lorsque la technique prend davantage de place que le journalisme, cela devient problématique. Néanmoins, le procédé d’animation permet une vulgarisation de l’information. Dans l’esprit des formats vidéo courts tels que Data Gueule, l’animation est aujourd’hui une belle opportunité pour présenter un contenu et pour le rendre accessible et attrayant aux yeux des spectateurs. Un équilibre entre la création d’un contenu journalistique et la réalisation en papier-découpé se doit d’être trouvé, mais la technique d’animation est sans aucun doute prometteuse.