Véronique Loute est la maman de l’un de ces quelque 500 jeunes partis en Syrie pour y mener le djihad. Depuis les attentats de Paris et les menaces d’attentats sur Bruxelles, elle se retrouve, bien malgré elle, au centre de l’attention médiatique. « La télévision italienne, je peux plus les voir ! ». Véronique enchaine depuis plusieurs jours les entretiens avec les télévisions japonaises, allemandes, américaines.
Lors de notre entretien dans un café bruxellois, elle nous a confié ses peurs de maman sans nouvelles de son fils depuis quatre mois. La sonnerie de son téléphone interrompt nos premiers échanges. Elle décide de l’éteindre afin de ne pas être coupée dans le récit du départ si soudain de son fils, Sammy.
Des semaines sans la moindre nouvelle
C’est en 2012 qu’il décide de quitter la Belgique. Après plusieurs semaines de silence, cette maman percluse par l’angoisse reçoit un coup de téléphone : c’est Sammy, enfin. À la question de savoir où il se trouve et ce qu’il y fait, le jeune homme, âgé de 23 ans à l’époque, reste évasif.
« Je n’ai eu de ses nouvelles que trois semaines après son départ. J’ai situé qu’il était en Turquie. À l’époque, les autorités belges n’étaient pas encore au courant de ce phénomène de masse. Résultat : j’étais fort seule à gérer tout ça. Ce n’est qu’au mois de mars 2013, lors d’un bombardement ayant entrainé la mort d’un ami de mon fils, que la presse a commencé à se mettre en route. Je n’ai su qu’à ce moment-là que mon fils était en Syrie ».
Véronique ne s’imaginait pas que ce fils qu’elle a élevé dans un milieu parfaitement équilibré et duquel était bannie toute violence était parti combattre l’armée de Bachar-Al-Assad. Si exemple de violence il y avait, c’était uniquement, selon elle, « par l’intermédiaire des médias, notamment lors de la guerre en Irak, que les jeunes regardaient comme un feuilleton ».
Parler pour soulager ses peurs
Les mois, les années passent. Véronique décide de créer l’ASBL « les Parents concernés ». Ce groupe de parole devient un lieu d’échange pour des familles unies autour d’une peur commune, celle de l’annonce de la mort d’un enfant parti mener le djihad. Plus qu’un groupe de soutien, une aide est apportée à ceux qui craignent un enrôlement de leur enfant par des filières djihadistes.
Ce fut le cas notamment pour une jeune fille originaire de région de Liège, dont les parents soupçonnaient un départ imminent pour le sol syrien. Jointe par ces derniers, Véronique nous raconte qu’elle a déployé les moyens nécessaires pour éviter cet aller simple vers la radicalisation. À 7h30 du matin, elle a mis en branle son réseau à force de coups de téléphone. Et, avec l’aide de la police, le départ a été évité de justesse.
Les liens du sang restent indéfectibles
Depuis le départ de Sammy, une question taraude Véronique : « Mais qu’est-ce qui lui est bien passé par la tête ? » Malgré l’incompréhension, les insomnies, l’angoisse (qui s’est intensifiée depuis son dernier échange avec Sammy en août 2015), Véronique reste une mère qui porte à son enfant un amour inconditionnel. Lorsqu’on lui demande s’il lui est possible d’imaginer que le nom de son fils soit un jour associé à celui d’un terroriste capable de commettre des atrocités similaires à celles qui ont eu lieu à Paris, Véronique répond catégoriquement « Non et en même temps, je ne vais pas vous dire oui… Je m’interdis de dire oui ».
Véronique ne perd pas l’espoir de revoir un jour son fils, qu’elle ne comprend peut-être pas, mais qu’elle ne reniera jamais. « C’est plus que mon fils… C’est mon fils, ma chair ! Quoiqu’il arrive, ma porte reste grande ouverte, je ne lui en voudrai jamais ».