Si le piétonnier du centre ville a fait couler beaucoup d’encre, on sait moins que le conseil échevinal de Watermael-Boitsfort voulait lui-aussi son espace sans voitures. « La genèse de cette histoire provient de la déclaration politique générale de la commune début 2013 », précise le bourgmestre de la commune, Olivier Deleuze. « En effet, la possibilité d’un piétonnier place Keym y était présente. Après consultations, cette hypothèse ne faisait clairement pas l’unanimité ».
Ces consultations ont été effectuées auprès d’un premier petit groupe de commerçants qui ont exprimé des réticences à l’idée d’un piétonnier. L’idée d’origine s’est transformée en une zone de rencontres. La première évocation de ce nouveau concept de zone de rencontres a eu lieu lors de deux conférences en septembre 2014, l’une pour les commerçants et l’autre pour les riverains. Les commerçants étaient curieux de découvrir ce projet présenté comme “révolutionnaire”, un “booster économique” pour la place par les politiques de la commune.
Un projet “formidable”
L’objectif de la majorité politique de la commune est alors clair : “Nous souhaitons mener un projet pour faire de la place Keym une place formidable. Une place où les riverains se sentent bien et où les commerçants sont actifs et florissants”.
Dubitatifs face aux propos élogieux du nouveau projet annoncé par Olivier Deleuze, les commerçants sont, eux aussi, partis mener l’enquête. “Nous sommes allés dans d’autres communes pour voir ce qu’il en était, les commerçants étaient tous dépités. La plupart ont perdu plus de la moitié de leur chiffre d’affaires. Il y a un boucher qui tournait bien ; aujourd’hui, il ne gagne plus que 300 euros par jour, même pas de quoi se payer un salaire !”.
Désenchantement des commerçants
Très vite, les commerçants expriment leurs craintes. Et celles-ci sont plurielles face à ce projet : perte de revenus, diminution du flux de passage, licenciement des employés par les patrons, mort des magasins.
Les représentants de Keym ASBL ont indiqué que seulement 15% des visiteurs sont des gens du quartier de la place Keym, 30% sont des gens de Bruxelles et de sa périphérie et les 55% restants sont donc des gens de la commune, à savoir des gens qui s’arrêtent sur la place pour conduire les enfants à l’école ou se rendre au travail.
Les représentants de l’ASBL rappellent que 44% des passants sur la place sont des personnes de plus de 60 ans, ayant parfois des difficultés à se déplacer sans voiture. Ces commerces de proximité sont devenus des services essentiels et une potentielle disparition pourrait devenir problématique.
Des points de vue divergents
Pour le bourgmestre, ce projet reste une initiative positive. Il ne comprend pas pourquoi les commerçants restent focalisés sur l’accès routier qui, selon lui, sera toujours possible :
“Dans le projet, les automobilistes auront toujours la possibilité d’accéder à la Place Keym”. Pour autant, que signifie “possibilité d’accès” ? Aux yeux des membres de l’ASBL, un piétonnier détournerait l’intérêt des consommateurs pour les magasins jouxtant la place. En effet selon les commerçants “les gens préféreront clairement se rendre dans un autre endroit plus facile d’accès”.
Les commerçants ne veulent pas la guerre, mais être entendus et que leurs voix soient prises en compte : “Nous n’avons pas envie de nous battre, car nous apprécions les gens de la commune mais si cette idée va jusqu’au bout, ça va être une catastrophe. S’ils décident de faire une zone de rencontres ou une zone piétonnière, alors je chercherai ailleurs. Je ne vais pas me laisser couler ! J’ai déjà commencé à prospecter certains fonds de commerce à Auderghem”.
Pierre-Alexandre Haubruge et Margot Bourland
Très bel article d’enquête et de terrain. Beau découpage. Les témoignages apportent une vraie plus-value ! Félicitations 🙂