« J’y suis tombée malgré moi », c’est ainsi qu’a démarré la conférence d’Edith Bouvier venue témoigner des réalités de son métier devant une centaine d’étudiants en journalisme de l’IHECS, ce jeudi 11 décembre. Journaliste indépendante, Edith Bouvier est ce que l’on appelle une reporter de guerre !
Le visage d’Edith Bouvier s’est fait connaitre en France, lorsqu’en février 2012, blessée à la jambe à Homs, en Syrie, elle lance un appel à l’Etat français pour être évacuée en urgence. Depuis, elle a publié son témoignage dans un livre, « Chambre avec vue sur la guerre » dans lequel elle relate ses dix jours en enfer, au sein du conflit syrien. Mais cette mésaventure ne l’a pas arrêté, et la journaliste est repartie couvrir d’autres guerres. « Ce qui m’emmène sur le terrain, ce ne sont pas les bombes c’est l’envie de comprendre », affirme-t-elle. Une envie qui l’a poussée notamment à s’envoler pour le Sud-Soudan lors de la construction du pays ou encore en l’Irak ou en Somalie. Du haut de ses 34 ans, Edith Bouvier semble avoir vécu plusieurs vies.
Comment entreprend-on un reportage dans des pays en conflits ? Comment ne pas avoir peur, alors que le risque d’être kidnappée est bien présent ? Etre une femme constitue-t-il une difficulté supplémentaire sur le terrain ? Quelles sont les précautions à prendre ? Comment vendre son papier quand l’actualité du moment est plutôt nationale ?… Les questions posées à la journaliste étaient nombreuses. Celle-ci est ainsi revenue, anecdotes à l’appui, sur ce qui l’a fait grandir dans ce métier.
« Un article ne vaut pas une vie »
Revenant sur ses débuts de carrière, sur les pépins mais aussi sur ces moments de pure joie avec les populations des pays visités, Edith Bouvier a expliqué le rôle déterminant des fixeurs, «ses bonhommes » comme elle aime les appeler, mais aussi les dangers que peuvent représenter ce métier. Dès le début de son intervention , elle déclare : « Un article ne vaut pas une vie. Et de souligner l’importance de se prémunir d’une bonne assurance mais aussi d’un bon gilet pare-balles. « Chaque année je perds un à deux copains » lâche-t-elle au détour d’une phrase. Pour limiter les risques, elle affirme prendre à chaque voyage les mesures de sécurité nécessaires et tout un nouveau lexique : connaître la distance d’où peut tirer un sniper, la place à prendre dans un groupe, le bruit d’un mortier, quand se baisser… « C’est comme quand on met les doigts dans la prise, on apprend ».
Amoureuse du monde arabe, de l’Afrique et ses tumultes, la reporter est ainsi revenu sur son expérience de terrain. Aimant « raconter les périodes charnières de ces pays, pas seulement de la guerre mais aussi de l’après-guerre », Edith Bouvier avoue ne pas être une journaliste de bureau et ne pas apprécier la compétition qui prime entre les journalistes en France. La France, sa famille, son compagnon, ses amis… Des personnes importantes, grâce auxquelles elle garde les pieds sur terre, même si parfois, il est difficile de revenir dans la vraie vie. « La première fois où je suis rentrée de Somalie, j’ai pourri un repas de famille car une personne se plaignait de la qualité du pain », rie-t-elle.
Edith Bouvier n’est pas seulement une journaliste qui témoigne, mais une personnalité attachante. Par l’honnêteté de son récit et ses nombreuses anecdotes, Edith Bouvier fait plonger les étudiants dans un univers du journalisme peu connu. Un monde que beaucoup appréhendent, que certains envient, mais qu’elle a su expliquer avec simplicité et humour. Après deux heures d’intenses échanges, la conférence s’est clôt au grand regret des étudiants. Pas question pour autant de laisser la journaliste rejoindre son hôtel, certains étudiants ont même prolongé le plaisir en poursuivant l’échange autour d’un verre. Plus qu’une reporter de guerre, Edith Bouvier est une conteuse hors pair.