21
Oct
2016

« La fin de l’Europe ? Et après ? » est le petit nom polémique accolé à cette quatrième édition des Journées de Bruxelles.

Carlos Moedas, Margrethe Vestager, Emmanuel Macron et le journaliste Matthieu Aron (de g. à d.) - Photo : Malaurie Chokoualé Datou

« La fin de l’Europe ? Et après ? » est le petit nom polémique accolé à cette quatrième édition des Journées de Bruxelles.

21 Oct
2016

[ÉDITO] « L’Europe est morte, vive l’Europe ! »

C’est un Emmanuel Macron revanchard, presque conquérant qui déposa son séant ce 20 octobre sur la scène des BOZAR à l’occasion des Journées de Bruxelles. À sa droite, la femme qui fait actuellement trembler Google, Apple et tous leurs copains : Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence. Et puis, un fauteuil blanc nacré plus loin, l’inconnu au milieu des cracks, le portugais Carlos Moedas, commissaire pour l’Europe à la recherche, à l’innovation et à la science.

Si tout ce petit monde est réuni à Bruxelles, c’est parce que l’Europe serait morte. Ou plutôt, un modèle européen ne serait plus de ce monde. À nous et à nos élus d’en refonder un. 

Tentative macronesque de “donner un avenir à l’Europe”

L’ancien ministre français porte un projet pour la redessiner, cette Europe. Depuis juin 2016, le Brexit tout juste consommé, il proposait déjà sa vision de l’Union européenne. Une vision qui n’est pas neuve (Elio Di Rupo par exemple, avait présenté une idée similaire en avril de cette année) mais qu’il a le mérite de défendre avec force.

Il milite tout d’abord pour plus de structure et de transparence, pour une Europe plus efficace. Ensuite, il réfute l’usage des référendums, mauvais souvenir de 2005 avec les ‘non’ français et hollandais qui bloquèrent le projet de Constitution européenne. La dénonciation menée par certains contre le référendum considère en fait celui-ci comme un simple choix binaire polarisant. Une question est ainsi posée mais sans réelle participation électorale à son élaboration propre et à celle de tout le projet.

Les blocages aussi, selon lui, ne sont plus tolérables. Nous ne pouvons que le rejoindre sur ce point. N’en déplaise à certains, il est tout de même dingue qu’une aussi modeste région que la Wallonie puisse stopper le CETA, traité européen entre l’Europe et le Canada. Sans s’engager sur le fond et sans parler de ce que ce traité renferme, nous parlons bien ici du processus.

Les États généraux du XXIe siècle

La proposition principale de Macron porte sur l’établissement de conventions démocratiques dans tous les pays membres. On croirait en effet voir resurgir les fameux États généraux de l’Ancien Régime, assemblées constituées de représentants des trois ordres (clergé, noblesse et Tiers État) pour délibérer des questions d’intérêt public. « Je plaide pour l’organisation d’une convention démocratique dans les vingt-sept pays membres [grave erreur ici d’Emmanuel Macron, le Royaume-Uni faisant encore partie de l’Union européenne et constituant donc le vingt-huitième état membre], afin de faire naître un projet qui se construise avec l’opinion. Une fois que le projet est prêt, oui, pourquoi pas le soumettre à l’onction populaire ? » avait-il dit au journal français Le Monde. 

L’idée de convention démocratique reste cependant toujours aussi floue. Parle-t-on de réunion de citoyens ? D’élus ? Macron le sait-il lui-même ? Il est évident que les modalités restent encore floues pour tout le monde. Et encore faudrait-il aussi que ces conventions aient une certaine résonance. Peut-être grâce aux réseaux sociaux en faisant du crowdsourcing par exemple. Un espace où les citoyens pourraient proposer idées et les échanger en toute liberté.

Certains craignent aussi que ce ne soit qu’un prétexte pour donner la parole aux Européens sans la leur donner vraiment. Que ces conventions n’aient qu’un pouvoir décoratif et rassurant pour la population. Il est néanmoins évident que l’Europe sera au centre de tous les débats durant les élections présidentielles de 2017. Emmanuel Macron espère qu’il en sera de même pour cette idée de convention.

Un manque de communication ?

La structure et le mode de fonctionnement de l’Europe sont obscurs pour beaucoup d’Européens.  Le commun des mortels ne capte pas un centième de ce que font exactement les différents organes politiques européens, quand bien même l’Europe communique quotidiennement sur leurs actions. Politico, Euractiv, EUobserver, autant de journaux et de sites d’information qui donnent des nouvelles de l’actualité européenne. De plus, le Parlement européen possède un service de presse et une chaine de télévision (EuroparlTV), la Commission a même mis en service des chats à l’intention des citoyens. L’offre est donc importante et dans des langues extrêmement variées. 

Le problème est que la majorité de leurs visiteurs et lecteurs assidus sont des diplomates, des lobbyistes, des communicants, et dans une plus faible mesure le public lambda. Les gens ne sont-ils pas intéressés ? L’information n’est-elle pas assez accessible ? Certains leur reprochent également de communiquer trop tard, exposant une décision sur laquelle les lecteurs n’ont plus de prise. D’autres parlent aussi d’une communication ‘top-down’, expliquant qu’il manque ce lien entre citoyen et journaliste. Une chose est sûre, au vu de l’ensemble des médias proposant de l’information européenne, prétendre que l’Union européenne et ses institutions ne font aucun effort de communication est donc totalement absurde. 

Conventions démocratiques : un gadget ou une bonne idée ?

Une majorité des Européens ne se sentent plus (ou pas ?) Européens, ne croient plus en l’Europe. En 2013, 59% des Européens se sentaient citoyens de l’Union européenne (chiffres d’une étude commandée par la Commission européenne). L’un des premiers coupables est la classe politique. Pour bon nombre d’entre eux, l’Europe se révèle un punching-ball facile à cogner. “La faute à l’Europe“, un refrain que chaque Français, chaque Belge, chaque Espagnol serait capable de chanter sans regarder les paroles. 

Cette idée de conventions démocratiques est bonne et en parler est encore meilleur. Impliquer les citoyens dans l’élaboration des projets comme le feraient des “États Généraux européens” serait évidemment un bon moyen de développer cette identité européenne parfois inexistante, d’intéresser les Européens à ce qui se passe au niveau décisionnel et surtout de retrouver cette confiance en nos institutions. Revenir à ce pour quoi l’Europe est née, travailler tous ensemble, que les citoyens se sentent écoutés et aient leur mot à dire. Il faudrait cependant délimiter les périmètres de discussion et surtout s’organiser à 28 Etats, ce qui ne serait pas une mince affaire. 

Une surenchère électorale ?

Mais si Emmanuel Macron n’a pas encore publiquement annoncé sa candidature pour les élections présidentielles de 2017, il n’empêche que son ton vindicatif d’hier soir et les applaudissements fournis saluant toutes ses interventions fleuraient bon la campagne. Présidentielle bien sûr. Espérons donc que ses propositions pour l’Europe ne fassent pas partie de ces célèbres surenchères électorales dont les politiques ont le secret…

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