Je suis atteinte d’une forme de schizophrénie, certains l’appelleront incohérence, d’autres hypocrisie. Les symptômes se manifestent dans l’économie de mon argent, et par un trou dans le portefeuille des autres. Les autres, ce sont ces types qui créent ce qui fait notre humanité, la culture. On pourrait aussi apparenter cela à une relation d’amour fusionnel. Je les aime, mais je les détruis. Ou du moins je ne les soutiens pas autant qu’ils le méritent. J’avoue avoir flippé après la fermeture temporaire de Zone-téléchargement.
Et pourtant, depuis que je suis gosse, j’ai été mise en garde. Il faut dire que ça marque d’attendre 10 minutes avant de visionner un dessin animé sur VHS pour s’entendre dire que la reproduction du support en question était interdite en dehors du cercle familial. Avec la banalisation du téléchargement illégal, il semblerait que la notion de famille se soit agrandie à coups de consanguinité numérique.
Mais depuis cette époque, dont date la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins, notre appétit a grandi. D’ailleurs à ce qu’il parait, il vient en mangeant. On bouffe de la culture au point parfois d’en oublier de nous nourrir. Je me retrouve à perdre mon temps à regarder des films pour lesquels je n’aurais décemment pas dépensé un sou. Consommer moins, mais consommer mieux ? La qualité plutôt que la quantité ?
Voler c’est mal. C’est même illégal à ce qu’il parait. C’est comme quand t’as pas rangé ta chambre et que ton père te menace de te punir si tu le fais pas asap. Il ne me punit jamais. En tant que particulier, on se sent invincible, alors les sites de téléchargement se font buter comme des mouches. Les mouches ont déjà pondu et d’autres sites naissent en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.
Des alternatives, il en existe. Mais plus sérieusement, Netflix ? Vous avez déjà été sur Netflix ? Passées les premières nuits à se féliciter de contribuer financièrement au secteur audiovisuel, on se retrouve à regarder des films d’horreur tellement la sélection oublie ce qui fait le cinéma qu’on dit « d’auteur ». J’adore Le Cercle, mais il y a un moment où la gamine a cessé de me faire flipper. Quitte à payer pour des contenus de qualité, on pourrait légitimement en attendre mieux.
Une addition salée
C’est pareil pour la télé, c’est cool quand on nous propose des films de Noël deux mois avant l’heure, calé sous un plaid, chocolat chaud en poudre à la main. Mais hormis ces épisodes régressifs, la plupart du temps, j’ai du mal à m’y retrouver entre Secret Story et Bienvenue chez les Ch’tis. Bref, après avoir payé l’entrée et le plat de résistance sur Netflix, Itunes et toute la clique, je n’ai pas les moyens de me payer le dessert, alors je me sers et je pars sans payer.
J’ai la chance d’avoir des copains qui font de la bonne musique et de bons films. J’ai aussi de la chance parce que ces gens-là, ils ont leur mot à dire sur le sujet. Étonnamment, selon l’échantillon purement arbitrairement interrogé, interdire le téléchargement illégal, n’est pas la solution. Ça a du bon quand même le téléchargement gratuit, quand on veut consommer de la qualité sans se ruiner. Selon les mots de Paul Andreu, « la seule manière de protéger sa culture, c’est d’accepter de la mettre en danger ».