Lors du Festival international de programmes audiovisuels (FIPA) de janvier dernier, “Tahqiq fel djenna” (nommé “Enquête au paradis”dans sa version internationale), a reçu le “FIPA d’Or” dans la catégorie “documentaire de création”. Une belle récompense pour la 20e production du réalisateur algérien Merzak Allouache.
Algérie. De nos jours. Nedjma (Salima Abada) est une jeune journaliste d’investigation. Son enquête se concentre sur le paradis que présentent, pour les besoins de leur propagande extrémiste et leurs appels au djihad, des salafistes du Maghreb et du Moyen-Orient grâce à des vidéos qui circulent sur Internet. Mustapha, son collègue, l’accompagne dans cette enquête qui la fait voyager dans toute l’Algérie. Ils partent à la recherche d’interlocuteurs qu’ils soient écrivains, féministes ou adolescents.
Dès les premières secondes de la projection, une particularité saute aux yeux. Le film est en noir et blanc. Parti pris du réalisateur, il permet de soutenir une émotion particulièrement communicative.
La vie après la mort
Le film aborde une thématique précise : la vie au paradis. À travers une vidéo d’un salafiste, qu’elle fait visionner à des personnalités, va se dégager un décryptage de l’extrémisme. Par exemple, après leur mort, les “martyrs” sont envoyés au paradis où 72 houris, communément appelées vierges, les attendent.
“Des houris aux cheveux noirs et à la peau blanche vous attendent.”
Qu’est-ce que le paradis ? Que trouve-t-on là-bas ? Ce sont ses questionnements autour desquels tourne l’intrigue du film. Il faut le reconnaître, même si le film varie les plans, il y a des longueurs. La succession d’interlocuteurs par rapport à la question du paradis, question récurrente, n’est pas toujours bien amenée. De plus, bien que le personnage de la journaliste et de son ami Mustapha soit attachant, la fiction et le documentaire se chevauchent et cela peut perturber le spectateur.
Toutefois, malgré la complexité du sujet, le réalisateur arrive à nous arracher quelques rires, tant les conceptions du paradis sont subjectives. Pour l’artiste Linda Bougherara, intervenante dans le film, son paradis est un “endroit où elle peut créer et se balader dans une immense étendue”. Pour un passant de la ville de Timimoun, “le paradis est un endroit où je peux manger des oranges et de la grenade toute la journée”. À travers son voyage autour de l’Algérie, Merzak Allouache propose donc différentes visions du paradis qui ne laissent pas indifférent.
À la sortie de la projection, les spectateurs sont marqués par l’expérience de deux heures quinze qu’ils viennent de vivre. Certains sont énervés comme Philippe : “Ce film montre les dérives de l’extrémisme grandissant”. D’autres semblent plus étonnés ; c’est le cas de Laetitia : “C’est un beau travail. Un peu long, mais il y a une vraie enquête. Mais le sujet est complexe et on perd petit à petit le fil de la réflexion”. Le film est d’ores et déjà déposé au Comité de sélection du Festival de Cannes.
Pour rappel, plusieurs films du réalisateur ont été sélectionnés pour le Festival de Cannes, notamment, “Un amour à Paris” qui a reçu le prix de la section “Perspectives du Cinéma Français” à Cannes en 1987.
Thomas Woloch (Ecole de journalisme de Cannes)