Suite aux débordements survenus à la fin de la manifestation syndicale nationale, le 6 novembre, qui avait rassemblé quelque 120.000 personnes, 112 policiers avaient été blessés. Un bilan qu’une partie des syndicats policiers reproche directement au bourgmestre de la Ville de Bruxelles et, par ailleurs, Président du collège de police, Yvan Mayeur (PS). Deux semaines plus tard, le bras de fer se poursuit.
Le 11 novembre après-midi, ils étaient 500 à s’être réunis sur la Grand-Place pour réaliser une action symbolique. Des policiers, mais aussi des syndicalistes et des proches qui s’étaient déplacés afin de montrer au bourgmestre, Yvan Mayeur, leur colère. Face, selon eux, au manque de reconnaissance et de respect témoigné à leur égard par le bourgmestre, les forces de l’ordre s’étaient dirigées dans la cour de l’Hôtel de ville où des policiers avaient alors déposé, sous les applaudissements, leurs boucliers cassés ou abîmés lors de la manifestation.
Une délégation s’était ensuite rendue à l’Hôtel de ville pour exposer leurs griefs au bourgmestre et lui transmettre une lettre ouverte dans laquelle ils évoquent une « indifférence » et un « mépris » dont avait fait preuve, selon eux, Yvan Mayeur. La délégation, confiante, à la sortie de la réunion, avait déclaré : « La réunion s’est très bien passée. Les mots-clés à retenir sont confiance, reconnaissance et communication. Ceci est un nouveau début et j’ai confiance » ! Alors que la réponse du bourgmestre a été publiée sur l’Intranet de la police quelques jours plus tard, le résultat de cette rencontre était décevante pour les représentants des policiers, Yvan Mayeur n’étant pas descendu saluer les policiers.
Plainte contre X
Alors que le Sypol déplore le manque de réactivité du bourgmestre lors de la manifestation, selon plusieurs sources, Yvan Mayeur, présent dans les rues de la capitale, avait donné pour ordre, pendant plus de 40 minutes, de ne pas venir en renfort aux policiers en détresse du côté de la porte de Hal, privilégiant la discussion avec les fauteurs de troubles. Suite à ces événements, le Sypol a introduit, le 12 novembre, une plainte contre X auprès du parquet de Bruxelles pour négligence coupable lors de la manifestation nationale. La responsabilité du bourgmestre et celle des chefs de corps de police responsables de la manifestation sont visées.
« La plainte contre X vise à démêler le vrai du faux de tout ce qu’on raconte. 112 policiers blessés, c’est du jamais vu. C’est un vrai fiasco !, s’indigne Jacques Wilputte. Il va y avoir une saisie des images, des échanges radios et de tous les enregistrements afin de réaliser une ligne du temps et de savoir ce qu’il s’est réellement passé et quels ordres ont été donnés ». Et Vincent Gilles, Président du SLFP Police, d’ajouter : « Yvan Mayeur doit s’attendre à voir les données de son GSM saisies. Ce qui veut dire que tout le monde va comprendre ce qu’il s’est déroulé entre lui et son responsable opérationnel, ce jeudi 6 novembre, alors que trois kilomètres les séparaient ».
Des déclarations qui font sourire le bourgmestre socialiste : « (Rire) Non, non, non, mon GSM ne sera jamais saisi. C’est n’importe quoi » ! Et d’ajouter nuancé : « Je suis très serein car la manière dont nous avons travaillé était, en la circonstance, la meilleure manière de travailler. Même si ce qu’il faut maintenant c’est constater qu’il y a eu beaucoup de blessés et que les conséquences sont telles qu’il faut revoir ce qu’il s’est passé. C’est évident, on ne peut pas refaire une chose pareille ». Pour le bourgmestre, il est clair que la ville de Bruxelles n’a pas reçu l’aide nécessaire pour encadrer cette manifestation. Il remet ainsi en cause, d’une part, le bourgmestre d’Anvers Bart De Wever (NV-A), pour avoir laissé les dockers d’Anvers venir jusque Bruxelles et, d’autre part, le manque de soutien de la police fédérale, mobilisée alors par la grève des gardiens de prison.
Une réforme qui passe mal
Alors que le 3 novembre, le bourgmestre socialiste présentait le projet de réforme de la territorialité de la police de Bruxelles-Ixelles, visant à déployer une police de proximité et la création de quatre commissariats ouverts 24h/7, ce projet n’est pas perçu d’un bon œil par une partie des syndicats. « On ne pense pas beaucoup de bien de cette réforme », indique Vincent Gilles. Jacques Wilputte déclare quant à lui que cette réforme est nécessaire mais que le bourgmestre ne fait qu’effleurer le réel problème. « Cette réforme, c’est de la poudre aux yeux ! C’est bien de se rendre compte qu’il y a un problème, mais dire aux gens que vous allez mieux collaborer, ce n’est pas suffisant. On collabore déjà… ». Et d’ajouter : « On doit faire mieux et plus, mais avec moins de personnel. Ce n’est pas possible ». Le bourgmestre dit connaître ces difficultés mais être impuissant face au manque de personnel, qui relève du fédéral.
Sur les réseaux sociaux, cette manifestation a mis en lumière une rivalité entre le SLFP Police et le bourgmestre socialiste. Sur Twitter, alors que le syndicat policier indiquait un jour après la manifestation nationale : « Les policiers utilisés comme chair à canon. L’autorité @Ville Bruxelles #incompétente et #irresponsable ! », Yvan Mayeur répliquait : « La malhonnêteté de ce syndicat qui m’est hostile depuis ma prise de fonction atteint ici le summum ». Un désamour prononcé qui remonterait selon Yvan Mayeur, aux différentes initiatives qu’il a prises depuis son entrée en fonction, telle que l’installation de caméras dans le commissariat central « pour éviter des bavures ».
Pour Yvan Mayeur, il est d’ailleurs clair qu’il existe une corrélation entre sa réforme de proximité et la férocité du SLFP Police : « Le SPLF Police prend cette manifestation, l’émotion et l’émoi créés par les victimes et par la violence. Et ils détournent ça à d’autres intentions ». Ce dont le SFLP Police se défend : « Monsieur Mayeur utilise cet argument pour dire que c’est un règlement de compte, mais chez moi, les deux dossiers sont séparés ! Mais, oui, la nouvelle réforme est un des éléments qui a provoqué ce désamour, mais c’est anecdotique par rapport à ce drame et à sa réaction hallucinante ». Et d’ajouter : « Je ne vais rien lâcher. Je veux que les responsables soient poursuivis. Je veux qu’il y ait des arrestations ».
Au-delà des 13 arrestations du jour de la manifestation nationale, une cellule judiciaire a été mise en place, pour collecter des informations et identifier les casseurs. Alors qu’une quinzaine de personnes avaient été identifiées, dont des dockers et personnes provenant des milieux d’extrême gauche et/ou anarchistes, le 20 novembre, onze personnes suspectées d’avoir agressé des policiers ont été interpellées dans différents endroits du pays dont Bruxelles, Namur et Anvers. Parmi celles-ci, trois personnes ont été placées sous mandat d’arrêt et quatre sont citées devant le tribunal correctionnel. Selon le procureur du Roi de Bruxelles, ces onze suspects ne sont pas majoritairement des dockers.