Installations audiovisuelles, sculptures, photographies, peintures… Jusqu’au 24 janvier 2016, les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique invitent les visiteurs à interroger le présent pour envisager le futur. L’intention est d’amener les citoyens à repenser des problématiques sociétales comme la surconsommation, la raréfaction des ressources naturelles, les conflits mondiaux, les inégalités sociales et la mutation de l’être humain, à travers des œuvres d’art contemporain. Parmi les artistes exposés, deux créateurs belges, Hans Op De Beeck (ODB) et Maarten Vanden Eynde (VE) nous donnent leur avis sur l’événement et sur leurs œuvres.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans le principe de l’expo 2050 ? À votre sens, quel est, parmi les problématiques traitées dans l’exposition, le plus grand défi auquel nous faisons face ?
VE : Je pense que c’est une nécessité de faire de telles expositions. C’est indispensable dans le monde actuel. Pratiquement, le plus grand défi, c’est évidemment la surpopulation. C’est au centre de tous les problèmes actuels et de ceux que nous découvrirons dans le futur. Mentalement, c’est la nécessité de changer notre obsession de ‘vouloir plus’. C’est un mantra, ou pire une sorte de religion, que l’on doit abandonner et détruire si l’on veut survivre avec une population de 10 milliards d’habitants.
ODB : Aucuns des défis n’est moins urgent ou important que l’autre. Mais certainement, les inégalités sociales et économiques sont la source de beaucoup d’autres problèmes.
Quel est le rôle de l’artiste dans la construction de l’avenir ?
ODB : En ce qui concerne la conception et la construction de l’avenir, nous devons garder cette liberté artistique totale, de sorte que la créativité puisse être chérie comme une attitude dans tout ce que nous faisons. Nous ne pouvons pas attendre naïvement des réponses de l’art, mais nous avons plutôt besoin du questionnement, de l’émotion et de la consolation qu’engendre l’art, de prendre de la distance, de réfléchir, de donner du temps à l’essence, de comprendre.
VE : Le rôle de l’artiste, c’est aussi de penser hors des structures préfabriquées et implantées, et d’ouvrir les portes de l’imagination pour créer des pistes et des alternatives, mentales et pratiques.
Quel message souhaitez-vous communiquer à travers de votre sculpture “Ankle” (ci-contre) ?
ODB : ‘Ankle’ fait partie d’une de mes anciennes séries de cinq petites sculptures (2007) : il s’agit de cinq personnages, hommes et femmes. J’ai accepté que cette œuvre fasse partie de ce projet puisqu’il y avait un sens, compte tenu de la thématique de l’exposition. Il n’y a aucune intention de ma part de juger la technologie comme quelque chose qu’il faut embrasser ou rejeter. Je voulais plutôt, montrer ce à quoi le corps peut ressembler aujourd’hui. À mon sens, ce n’est pas le rôle d’un artiste autonome de produire de l’art explicitement engagé ou inspiré politiquement. À mon modeste avis, c’est mieux quand le message est implicite, présent dans les couches plus subtiles de l’œuvre.
Quel message souhaitez-vous communiquer à travers votre œuvre “Plastic Reef”?
VE : Plusieurs en fait. Ce n’est pas une œuvre unidimensionnelle. Elle parle de la pollution due au plastique, mais aussi de la disparation des récifs de corail. Elle évoque aussi la capacité de la nature à transformer n’importe quelle matière en quelque chose d’utile et de beau. Enfin, l’œuvre pose aussi des questions par rapport à notre héritage, ce qu’on laissera aux futures générations. Qu’est-ce qu’on va laisser derrière nous, quelles découvertes pour les futurs archéologues ? Quelle histoire est-ce que les futurs historiens vont écrire quand ils découvriront les vestiges de notre société ? On ne sait pas ce qu’il va se passer avec le plastique dans le futur lointain parce que c’est une matière qui n’existe même pas depuis 100 ans. C’est une grande expérimentation avec des surprises inimaginables.
À votre sens, dans quelle mesure une réflexion sur le passé et le présent nous permet-elle d’envisager l’avenir ?
VE : Le passé et le présent sont tout ce que nous avons comme référence. L’avenir n’est pas une page blanche, on ne recommence pas chaque jour à nouveau. Mais les chemins vers le futur peuvent partir dans n’importe quel sens. Les possibilités sont infinies, justement parce que le présent influence, guide et manipule le futur. Nous vivons dans le présent et c’est notre rôle, notre obligation, mais également notre destin, de fabriquer le futur.