Un jour du mois d’octobre, Yasmine, étudiante à l’IHECS, se fait agresser par un inconnu devant l’école. Pas de réaction autour d’elle face à l’incident. Régulièrement victime de harcèlement de rue, pour elle, c’est la goutte de trop. Elle lance alors un appel sur un groupe Facebook de la Haute Ecole. Son but : créer un collectif avec celles qui le désirent pour lutter contre ce harcèlement via de la sensibilisation, des témoignages…
Près d’une soixantaine de filles la contactent assez rapidement, très intéressées. De fil en aiguille, chargée d’une soudaine responsabilité, Yasmine parvient à faire parler de l’initiative. Elle obtient de l’ASBL « Touche pas à ma pote » de créer une antenne à l’IHECS. Grâce à l’association, elle va même jusqu’à rencontrer Yvan Mayeur, le bourgmestre de Bruxelles. Et ce n’est qu’un début.
Des réactions positives… mais aussi négatives
Des réponses enthousiastes, il y en a eu un tas. Mais les critiques n’en ont pas moins fusé. Son message posté il y a quelques semaines a relancé le débat sur la question du féminisme au sein de l’école. Son récent passage à l’émission « C’est pas tous les jours dimanche » sur RTL, accompagnée d’autres membres de l’association, a suscité de vives réactions de la part des étudiants.
On leur reproche notamment de se faire passer pour de « grosses victimes » ou encore d’être une ligue anti-hommes. Les accusations concernent aussi d’autres aspects. “On m’a accusée de vouloir faire de la promo, d’essayer de me faire un nom”, dit Yasmine. “Ce n’est pas si grave”, “il y a d’autres causes plus importantes” sont des remarques parmi d’autres qui lui ont été faites à plusieurs reprises, autant par des filles que par des garçons.
« Pas si grave »
Peut-on dire que ce n’est “pas si grave” quand le phénomène est mondial et qu’il est un véritable problème d’éducation ancré dans la société ? Quand des provocations à répétition engendrent de l’insécurité chez les filles ? Toute action inférieure à un crime doit-elle être passée sous silence ?
« Il y a d’autres causes plus importantes »
Le cercle féministe de l’ULB fait face à ce genre de remarques. Il lui est souvent reproché de prendre part à des combats que d’autres jugent dérisoires. « Il n’y a pas à hiérarchiser les luttes, chacune a sa place », répond Apolline Vranken, présidente du collectif. Yasmine constate aussi une banalisation manifeste du sujet. « Les filles finissent par y être habituées et même par se dire que c’est de leur faute. » « Il ne faut pas culpabiliser les filles mais éduquer les garçons », ajoute Apolline Vranken.
De son côté, l’ASBL « Touche pas à ma pote » mène des actions de sensibilisation dans les classes à travers des animations éducatives d’improvisation théâtrale jouées par des comédiens de « La Ligue d’Impro ».
« Ne me libérez pas, je m’en charge »
Il y a pour certains hommes une incompréhension par rapport aux objectifs des groupes féministes. Ils se sentent directement visés face aux accusations de phénomènes sexistes. Lors de soirées féministes organisées, ils pressentent qu’ils n’y ont pas leur place. Sont-ils les bienvenus au sein des initiatives ? « Touche pas à ma pote » y travaille pour inviter les garçons à soutenir leur cause et lutter avec eux.
Du côté de l’ULB, 10% des membres du cercle féministe sont de genre masculin. Cependant, certaines activités, dont des cours de self-défense, sont jugées par le cercle comme réservées aux femmes, l’homme étant, selon le collectif, moins sujet à des violences.
Dans des groupes de parole, une absence de présence masculine peut également prendre son sens selon la présidente du cercle : « Parler de violences vécues, de sa sexualité, de son corps, tout ça peut être plus difficile en présence d’un homme. » Le fameux slogan « Ne me libérez pas, je m’en charge » est très parlant pour elle et pour bien d’autres : il est essentiel que cette lutte parte des femmes, bien que les hommes soient indispensables en tant qu’alliés.
À l’ULB, le cercle féministe a aujourd’hui gagné en visibilité et en légitimité auprès des étudiants et des étudiantes ainsi qu’au-delà du campus. Pour “Touche pas à ma pote IHECS”, malgré la forte couverture médiatique de ses débuts, le combat ne fait que commencer.