Depuis plusieurs années, le prix du lait ne fait que baisser et rend la vie des fermiers instable. Au milieu des habitations de Momalle (Liège), la ferme des Moray est un bon exemple de cette situation de crise des petites exploitations laitières. Depuis 2004, Yves Moray, 46 ans, a repris la production de lait de ses parents. Avant lui, Léon et Bernadette Moray, enfants de fermiers, s’en sont occupés pendant près de 40 ans. Contrairement à leur fils, ceux-ci ne vivaient que de leur ferme et ont toujours eu du mal à joindre les deux bouts.
En 1966, le couple Moray a décidé de lancer sa production laitière et agricole. À cette époque, le prix du lait était encore raisonnable mais la situation s’est peu à peu dégradée. En 40 ans, le prix est passé de 35 centimes à 20 centimes le litre. Ils ont pu s’en sortir grâce à la diversité de leur production. En plus du lait, le couple possédait des terres ainsi que divers animaux destinés à la vente ou à l’abattoir. « La ferme n’était pas vraiment vivable mais nous n’avions pas le choix, nous devions continuer », rapporte Bernadette Moray, avec une note de fatalisme dans la voix.
Une passion depuis l’enfance
Yves Moray aide sa famille depuis tout petit. En grandissant, l’envie lui est venue de continuer le projet, contrairement à ses frères et sœurs. Passionné par le milieu, Yves a repris la ferme familiale, en plus de son métier principal de surveillant dans une école. Ses journées sont donc rythmées par la traite du matin dès 6h, pour ensuite aller à l’école et revenir pour la traite du soir vers 18h. « C’est vrai que les journées sont longues, il faut pouvoir se lever tous les jours à 4h30 », ajoute-t-il, un sourire en coin.
Bien que ses parents soient retraités, Yves ne pourrait s’en sortir sans eux. Tous les jours, ils l’aident à tenir la ferme pendant qu’il travaille. « Mais ils ne peuvent plus faire la traite qui est assez physique. Papa a quand même 80 ans, il ne faut pas l’oublier. » L’entraide est donc la seule solution pour gérer tout le travail
Du travail à perte
La production des Moray compte une vingtaine de vaches laitières, qui produisent en moyenne 300 litres de lait par jour. Celles-ci sont traites de manière traditionnelle, quatre par quatre, contrairement aux grandes exploitations industrielles. La vente se fait via une laiterie qui vient chercher le lait tous les trois jours. Le prix auquel il est vendu dépend du taux de matière grasse présent dans celui-ci. Il ne permet pas aux petites productions de survivre.
Souvent, le travail se fait à perte. La raison des prix bas est la trop grande quantité de lait présente sur le marché et la trop faible demande. Comme l’expliquent les Moray, cela pousse les petites productions à fermer. « Je vais d’ailleurs devoir stopper ma production de lait en fin d’année », ajoute Yves. « Cela va me faire drôle de ne plus venir à la traite tous les jours ! » Forcé à arrêter, le métier reste pourtant gravé dans ses gènes. Si la situation avait été autre, il aurait aimé pouvoir en vivre.
Une situation qui n’évolue pas
Malgré les plaintes et nombreuses grèves, la situation évolue difficilement et très lentement. L’État vient de dégager une enveloppe d’aide d’urgence de 500 millions d’euros. Le principe fonctionne sur base de quotas : si les fermiers s’engagent à diminuer leur production, ils peuvent recevoir des primes. « Mais ça ne va pas régler le problème, ajoute Yves, car ce n’est pas une obligation. Pendant que moi je diminue ma production, mon voisin peut l’augmenter. » La solution est donc à trouver ailleurs mais une chose est sûre : pour les Moray, l’avenir est aux grandes exploitations industrielles.