Une moustache. Elle frétille quand il sourit, s’immobilise quand il réfléchit. Quand il lui donne forme, ses doigts habiles domptent les volumes, lissent le poil, inventent des courbes élégantes. Transformer la matière brute en objet d’art, Gauthier Louppe s’y connait. Plus qu’un moustachu, Monsieur Louppe est maître luthier. Dans son atelier, il façonne des violons et dans son école, il forme des futurs luthiers.
L’art de transformer le bois en son
Après 30 ans passés dans son atelier à Liège, il décide qu’il est temps pour lui de transmettre son savoir. Il ouvre alors la première école de lutherie en Belgique. Il imagine un programme en trois ans minimum. Il amène d’abord les étudiants à fabriquer un bel objet. C’est l’élégance esthétique qui prime. Puis, il leur apprend à créer un son. La tâche est beaucoup plus délicate. Un bon luthier est quelqu’un qui sait faire un son qui fasse vibrer son auditeur. Mais, pour y arriver, il faut passer par l’objet. « La lutherie, c’est la transmutation du bois en son. » Le luthier est-il un artiste ou un artisan ? Une question épineuse puisqu’aujourd’hui les artistes ne veulent surtout pas être pris pour des artisans, ni les artisans pour des artistes. Gauthier Louppe lui, se considère comme artisan d’art. “Un pléonasme qui facilite la vie” raconte-t-il en souriant.
Une remise en question créative
Si la profession est particulière, Gauthier Louppe est, au sein de celle-ci, un original. Ses créations aux courbes folles et aux formes asymétriques sont considérées comme des œuvres contemporaines. Elles sont le fruit d’une grande remise en question de l’artiste. Quand on sait que la structure interne d’un violon est asymétrique, on peut se demander pourquoi sa forme classique est symétrique. À l’époque baroque, la symétrie était la règle. C’est pourquoi, Stradivarius créait des violons symétriques. Un luthier contemporain devrait donc créer des violons contemporains. Par une libération de la forme symétrique classique, ces derniers ouvrent la voie vers de nouvelles sonorités. Gauthier Louppe part de cette réflexion pour réaliser sa première œuvre contemporaine. Depuis, ses violons se suivent, mais ne se ressemblent pas.
La découverte du trésor
Quand on lui demande d’où lui vient cette passion pour la lutherie, le regard de Gauthier Louppe se perd dans un souvenir lointain. « Comme un cadeau le soir de Noël ». Chaque année à cette occasion, pendant que les adultes tapent la carte et boivent la petite goutte, le jeune Gauthier s’ennuie. Il explore alors les recoins de la maison de son grand-père et cette fois, il trouve un violon, autant dire un trésor. Fasciné par l’objet, il commence par apprendre à en jouer.
Un jour, son professeur de violon lui apprend ce qu’est la lutherie. Il décide d’en faire son métier. « Le hasard n’existe pas » conclut-il. Un dernier sourire caché derrière son imposante moustache et le voilà déjà reparti vers son atelier, univers tout en courbes et en finesse.
Ambre Ciselet