En 2010, la Commission européenne a lancé une proposition de directive portant sur le congé de maternité. Concrètement, elle souhaitait allonger celui-ci de 14 à 18 semaines afin de faciliter la vie aux femmes qui souhaitent avoir des enfants. Ceci, dans le but de faire face au défi du vieillissement de la population européenne. Cette proposition a été envoyée au Parlement européen qui, après deux ans de négociations, a conclu un texte plus ambitieux et progressiste que celui proposé par la Commission. En effet, le Parlement européen voulait un allongement du congé de maternité à 20 semaines (mères adoptives incluses) au lieu de 18, plus un congé de paternité de deux semaines minimum. Après, cela a été au tour du Conseil des ministres de l’Union européenne (composé des gouvernements nationaux) de se concerter sur le sujet. Mais le Conseil a bloqué la proposition depuis déjà deux ans et refuse de la mettre à l’ordre du jour.
En décembre 2014, la nouvelle Commission européenne sous la direction de Jean-Claude Juncker a annoncé qu’elle allait retirer cette proposition. Pour cause : quatre ans de négociations sont restées sans issue. À la suite des vives protestations du Parlement européen, M. Timmermans, le vice-président de la Commission européenne, a lâché une petite concession. Finalement le Conseil pourra disposer de six mois supplémentaires, jusque juin 2015, pour trouver un accord.
Pourquoi les gouvernements nationaux bloquent-ils ce projet de directive ?
Christian Wigand, porte-parole des affaires sociales de la Commission européenne, attire l’attention sur le fait que les systèmes de congé de maternité diffèrent d’un État à un autre. Cette différence d’approche compliquerait les négociations. Officiellement, le Conseil juge le projet trop coûteux vu le contexte de crise économique. Clairement, cette proposition n’est pas une priorité.
Cet avis est contesté du côté du Parlement européen. Selon Emmanuel Foulon, membre de l’équipe de l’eurodéputé belge Marc Tarabella (Parti socialiste), en réalité les gouvernements nationaux refusent tout simplement de se réunir autour d’une table pour discuter du sujet.
Le Parlement européen scandalisé
Nombre de députés ont exprimé leur indignation face à la décision de la Commission de retirer cette directive et surtout face au blocage du Conseil. Emmanuel Foulon déclare : « Je trouve ça scandaleux. Il y a quand même 250 millions de femmes en Europe. Je trouve que la réponse du Conseil est très moyenne. Nous sommes scandalisés. » Il va plus loin encore : « les gouvernements nationaux jouent un très sale jeu. » Néanmoins, il continue à espérer que le Conseil réponde aux appels incessants du Parlement d’ici juin.
Et la Commission dans tout ça ?
Quant à lui, le porte-parole de la Commission, Christian Wigand, tient beaucoup à améliorer les conditions de congé de maternité et continue à jouer le rôle de médiateur dans cette affaire. Si les États européens ne s’accordent effectivement pas sur le congé de maternité, la directive sera alors abandonnée pour faire place à une nouvelle. Celle-ci prendrait compte des évolutions survenues dans les différents pays membres depuis la première proposition de directive en 2010. Emmanuel Foulon, par contre, voit les choses différemment : « S’il n’y a pas d’accord en juin, ce sera définitivement abandonné. La Commission pourra amener un nouveau projet, mais ça durera de nouveau très longtemps… »
Qu’en pensent les mamans ?
Deux jeunes mamans ont partagé avec nous leur vision des choses. Émilie a bénéficié des 15 semaines légales de congé de maternité légale en Belgique, une période qu’elle considérait suffisamment longue. Par contre, le père n’avait eu droit qu’à dix jours, ce qu’Émilie juge trop peu. Même point de vue pour Natasha. Cette dernière trouve le congé de paternité beaucoup trop court. Son compagnon avait obtenu moins de deux semaines de congé de paternité.
A l’évidence, le législateur européen devrait accorder une priorité à l’allongement du congé de paternité qui est encore loin d’être suffisant.