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Bruxelles, temple de la fine bouche ?

De bons plats mijotés, une cuisine généreuse, des gâteaux épais à la crème et au rhum font partie de ces fondements qui ont bâti le patrimoine culinaire bruxellois. Plongée dans l’univers gastronomique de notre capitale.

par Manon Jacob

Bruxelles, la gourmande

Bruxelles, à l’image de ses habitants, propose aujourd’hui une cuisine éclectique, culturellement riche, cosmopolite… Il n’existe pas une cuisine bruxelloise à proprement parler, mais bien des cuisines bruxelloises.

Le premier restaurant primé 3 étoiles au guide Michelin hors de France de l’histoire était La Villa Lorraine en 1972. Déjà à cette époque, Bruxelles se démarquait en termes de qualité et d’authenticité. Aujourd’hui, certains spécialistes de l’art de la table diront que ce savoir-faire tend à disparaître, d’autres à se réinventer. Une chose reste néanmoins inchangée : le Bruxellois demeure un éternel gourmand.

D’un côté, des goûts d’ici et d’ailleurs, des associations surprenantes, une relève de jeunes chefs à la cuisine audacieuse s’installant dans la capitale… De l’autre, une frilosité face au changement, une réalité économique rude ainsi qu’une certaine perte de repères rendent l’avenir de la gastronomie bruxelloise assez trouble. Mais les quelques personnalités rencontrées au cours de ce reportage font fort à penser que si l’âge d’or de la bonne cuisine bruxelloise est derrière nous, la passion qui anime chefs, critiques, artisans a en revanche encore un bel avenir devant elle.

A travers un parcours gastronomique haut en saveurs, le Bruxelles Bondy Blog vous propose de vous plonger dans l’univers culinaire de notre belle capitale.

Visite au marché gourmet du Sablon

Le marché Gourmet du Sablon :
un parcours de saveurs au cœur de Bruxelles

Le 13 novembre dernier, le marché Gourmet du Sablon fêtait son premier anniversaire. Ce petit marché hebdomadaire au public intimiste propose une série de produits de qualité supérieure et provenant d’un circuit court. Foie gras de canard fumé, patta negra, saucissons corses, vins bio, huile d’olives grecque, poissons, fromages, pains, fruits et légumes, potages… Saveurs d’ici ou d’ailleurs, tout est fait pour éveiller les papilles des badauds.

Le marché Gourmet du Sablon a lieu tous les jeudis de 15h à 21h, place du Grand Sablon à Bruxelles. Photo : Laura Swysen

Une petite vingtaine d’exposants se réunissent ainsi chaque jeudi sur la place du Grand Sablon pour y présenter leurs produits. Parmi eux, Denis « le Breton », un poissonnier amoureux de son métier et de la ville. Derrière son étal, Denis s’applique à nettoyer un filet de truite pour une cliente. Il reste concentré, ses mouvements sont précis : « Il faut être noble devant son produit, le soigner et le chérir. Trois choses sont vraiment essentielles dans ce métier : respecter son produit, respecter son client et se respecter soi-même.»

Denis connaît très bien ses produits. Il ne choisit que le meilleur pour son client. Photo : Laura Swysen

L’ancien marin-pêcheur a quitté sa Bretagne natale pour venir s’installer à Bruxelles. Une décision qu’il ne regrette pas. Son métier, il le conçoit en mer sur son bateau à apprendre de nouvelles techniques de pêche à sa fille ou derrière son comptoir sur les marchés bruxellois à communiquer sa passion à ses clients. Pourquoi Bruxelles ? Pour son côté humain et la « simplicité de son âme ».

Des produits du terroir sont proposés aux yeux des chalands le long des étals sur la place. Photo : Laura Swysen

Cinq passionnés racontent la gastronomie bruxelloise

Rencontre avec Denis Balencourt, Lionel Rigolet, Philippe Limbourg, Christophe Hardiquest et Pierre Marcolini.

Le Bruxelles Bondy Blog est parti à la rencontre de personnalités de référence. Par leurs expériences et parcours singuliers, elles ont permis d’esquisser les contours de cette fameuse gastronomie bruxelloise.

Denis Balencourt, chroniqueur culinaire pour le blog madamemonsieur.be

"Il est très complexe de caractériser un type de cuisine bruxelloise. Les bons plats se définissent, selon moi, par des associations et des arrangements typiquement locaux tels que notamment le fromage de Bruxelles, le Lambique (cette bière à la fermentation spontanée), les escargots de mer, le chou fermenté, le boudin noir servi avec sa compote de pommes de terre, le Zenne Pot. Tous ces produits sont par essence liés à la présence de la Senne en ville. On ne la voit plus mais elle est toujours bien présente. C’est presque breughélien comme conception de la gastronomie. Toute cette bonne vieille cuisine est désormais traitée dans une perspective plus élaborée. Le chef Lionel Rigolet contribue également à perpétuer cette tradition. Le Comme chez Soi, est encore un de ces monuments de l’art culinaire à Bruxelles."

Lionel Rigolet, chef du restaurant Comme chez Soi

"Avant, chaque restaurant avait ses propres spécialités. Aujourd’hui, les distinctions sont moins affirmées. On mange de tout chez tout le monde. C’est donc d’autant plus complexe de se distinguer en tant que restaurateur à Bruxelles. La concurrence est rude. Pour y parvenir, il faut être à l’écoute de son client, surtout ne jamais le tromper et pouvoir se remettre en question tous les jours."

Lionel Rigolet et son épouse sont aux commandes du Comme chez Soi depuis 2006. Photo : Tryptique/Blueclic

Un retour à l’essentiel nécessaire

"Le problème de beaucoup de jeunes chefs aujourd’hui est qu’ils veulent très vite apprendre à maîtriser des espumas (mousse légère réalisée à l’aide d’un siphon) mais ne connaissent plus leurs classiques. Ils oublient comment travailler un jus, une sauce… Au Comme chez Soi, nous sommes l’un des rares restaurants en Belgique à encore pratiquer le service de repasse. Quasiment plus personne ne fait ça. Dans beaucoup de restaurants, vous avez un trait de sauce sur l’assiette et c’est tout. Ici, nous avons toujours mis en valeur l’importance d’une bonne sauce. Petit à petit pourtant, la gastronomie tend à revenir vers une cuisine de goût, une cuisine simple aux plats gourmands."

Philippe Limbourg, directeur de Gault&Millau Benelux

"On a un niveau gastronomique assez élevé en Belgique. A Bruxelles, c’est encore plus marqué de par sa diversité. Le meilleur Grec du monde hors de Grèce se trouve à Bruxelles ! Ici, il y a mille raisons d’aller manger : une réunion, une sortie, un rendez-vous galant, un truc sur le pouce entre un avion et un train…Ce sont toutes ces raisons qui forment cette énorme diversité. Et c’est ça qui forme la richesse de Bruxelles."

Philippe Limbourg a su, au fil de sa carrière, a su faire du plaisir de bien manger son métier. Photo : Gault&Millau

Critique gastronomique, un métier à la recherche du résultat

C’est un métier qui se base sur l’analyse comparative et non pas sur l’analyse fonctionnelle. Je veux dire par là que c’est le résultat qui compte, sans bien sûr négliger la qualité pour autant. Un de meilleurs exemples de cette façon d’envisager la cuisine est le chef français Joël Robuchon, qui est la référence au monde pour sa purée de pommes de terre. Aujourd’hui, il utilise des dés de pommes de terre congelés. Si au goût, c’est la même chose, voire mieux, pourquoi s’en priver ?"

Le gastronomique, inabordable ?

"Il est faux de penser que la gastronomie est inaccessible. Le menu type : américain frites salade, croquettes aux crevettes et dame blanche dans une brasserie à midi, revient très vite au prix d’un lunch gastronomique. La question fondamentale est la suivante : le client veut-il bien manger ou cherche-t-il uniquement quelque chose de bien fait ?"

La révélation de l’édition 2015 du Gault&Millau ?

"Christophe Hardiquest, chef du Bon-Bon, sans hésiter. C’est la première fois depuis des années que quelqu’un d’autre que Peter Goossens du Hof van Cleve atteint la note de 19,5/20 au Gault&Millau. Bon-Bon, c’est un seul menu et tout est fait minute. Aller chez lui, c’est véritablement vivre une expérience culinaire extraordinaire. Là, ce n’est plus de la cuisine du quotidien, on est au sommet."

Christophe Hardiquest, chef du restaurant Bon-Bon

Lors du Chef’s Place à l’Horeca Expo de Gand en novembre dernier, le chef Christophe Hardiquest du restaurant Bon-Bon proposait sa version d’un plat du terroir tout en raffinement. Le résultat ? Une conception de la gastronomie bruxelloise surprenante, tout en raffinement.

Pierre Marcolini, maître chocolatier

Le secteur de la restauration en crise

"Aujourd’hui, mon regard est plutôt critique vis-à-vis de la gastronomie bruxelloise. Je n’en veux pas aux restaurateurs, j’en veux simplement au système. Le fait qu’on ait touché à la note de déductibilité des restaurants il y a quelques années, a créé un séisme dont on ressent seulement les effets aujourd’hui. Très simplement car la gastronomie est ce qui va nous tirer vers le haut. Elle induit un service à la française. Les Français ont d’ailleurs beaucoup plus défendu leur gastronomie, à la différence de nous. Ils ont bien compris que derrière ce métier de savoir-faire, il y avait une constellation d’autres domaines sous-jacents qui y sont liés. Par cette crise de la restauration, des tas d’autres entreprises ont périclité."

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Une gastronomie bruxelloise mise au pilori

"Nous sommes rentrés dans un système où le monde de la gastronomie bruxelloise est perçu comme un monde cher et fermé. On a plutôt tendance à le dévaloriser. On n’ose pas en parler dans les médias…La gastronomie bruxelloise a été mise au pilori. Aujourd’hui, les touristes ne prendraient plus l’avion pour un trip gastronomique à Bruxelles. Ils iraient à Londres, à Copenhague…Là où ça bouge dans tous les sens. Nous, nous sommes un peu en retard sur les autres. C’est dû au poids du passé et à la peur d’innover. Aujourd’hui, la gastronomie bruxelloise en tant que telle n’existe plus, c’est la bistronomie qui tend à la remplacer."

Des étoiles
dans le ciel bruxellois

Les étoilés Michelin 2015

Les nouvelles étoiles Michelin 2015 posent sur la scène de l’Horeca Expo lors de la conférence de presse à Gand. Photo : Manon Jacob

Le 24 novembre dernier, les étoiles Michelin ont encore brillé dans le ciel bruxellois. Ci-dessous, une carte où toutes les retrouver. Il ne restera plus qu’à déguster !