Vous avez bien lu : on parle de Kirk Douglas, cet acteur
célèbre dans les années 1950. Il est venu en Europe, plus précisément dans le Hainaut.
C'est dans le Borinage qu'il a réalisé une de ses meilleures performances, il y a soixante ans, et
a chamboulé la vie de plusieurs habitants. Nous sommes allés à leur rencontre.
par Charlélie Van Driessche et Laura Swysen
Histoire
Témoignages
Restauration
Une star au Borinage
A la vue des paysages montois, peu de personnes imaginent ce qu’ont vécu les mineurs du Borinage.
Coups de grisou, éboulements, noyades dues à la perforation d’un tuyau : tels étaient les risques endurés par ces travailleurs.
C’est à cette époque qu’apparaît un grand peintre qui a marqué de son pinceau l’histoire de la peinture.
Avant d’embrasser cette carrière, Vincent Van Gogh s’est rendu dans le Borinage. Là-bas, il a découvert la situation misérable des mineurs belges qui l'a fortement ému.
Véritable tournant dans sa carrière, ce voyage a été mis en scène dans le film "Lust For Life". (« La vie passionnée de Vincent Van Gogh »).
Réalisé en 1955 par Vicente Minelli, le film a été tourné dans le Borinage, sur les lieux que fréquentait l’illustre peintre.
Dans le rôle de l'artiste néerlandais, on retrouve un des acteurs américains les plus emblématiques de l’époque : Kirk Douglas.
Durant dix jours, le Borinage a vécu au rythme d’Hollywood...
Qui a vu Kirk Douglas ?
C'est avec une affiche sobre et une simple photo de l'acteur Kirk Douglas que les réalisateurs ont lancé leur appel aux figurants. Relayé par la presse locale,
ils ont très rapidement obtenu une petite liste d'une quarantaine de noms. Henri de Gerlache a été touché par l'engouement provoqué par cette modeste affiche.
Ecouter le témoignage de Henri de Gerlache :
Parmi les figurants, dans ce film qui contient de nombreuses scènes de foule, beaucoup de jeunes enfants
issus des environs ont été engagés pour jouer dans plusieurs séquences, qui se déroulaient, la plupart du temps, dans les mines.
Mais comment ont-ils été recrutés, quels étaient les critères de sélection ?
Nous sommes partis à la rencontre de plusieurs anciens figurants.
Ils se souviennent de cet évènement qui est resté gravé dans leur mémoire.
C'est avec émotion qu'ils se remémorent ces quelques jours de folie où Hollywood s'est emparé du terril.
Monique Caudron : « Lui, il n'est pas tombé »
Une course de vélos ? Un cirque ? L'attroupement de voitures dans la région a alerté les jeunes du Borinage. L'arrivée de l'équipe hollywoodienne a rapidement été relayée dans les villes environnantes.
Monique était très jeune lorsqu'elle a participé au tournage. Pourtant, elle se souvient exactement du jour où elle a été recrutée pour "faire du cinéma".
Très impressionnée par Kirk Douglas et son menton à fossette, l'ancienne figurante se souvient de son expérience : « J’avais une grosse robe, un gros tablier, des galoches. On
m’a mis plein de noir sur la figure et on m’a dit « tu montes sur le terril, tu ramasses des cailloux, tu les mets dans ton tablier et tu le tiens bien ».
Bon, j’ai fait tout ce qu’on m’a dit. Puis il y en a un qui crie « Retournez-vous et commencez à courir », bien sûr je l’ai fait mais je me suis cassé la figure.
Et Kirk Douglas, il était à 50 mètres de moi. Mais lui, il n’est pas tombé », avoue-t-elle en riant.
Gisella Sacchi: « Ce film a rendu la fierté aux mineurs »
Elle aussi marquée par le tournage et l'impressionnant Kirk Douglas, Gisella Sacchi avait seulement 5 ans à l'époque du tournage de "Lust for Life".
Elle se souvient qu'elle n'appréciait pas du tout le maquillage.
Si le film est sorti dans les salles obscures en 1956, Gisella ne l'a seulement regardé
qu'en 1972 car sa famille ne possédait pas de télévision. Selon la jeune femme, ce film constitue un véritable symbole
pour les habitants de la région : il présente les rudes conditions souvent méconnues des mineurs.
Cécile Stiévenart: « C'était vraiment une affaire! »
Cécile Stiévenart a également participé au film. Elle conservait, avec sa maman, les photos de Kirk Douglas parues dans les journaux. Elle a participé à ce tournage avec sa grande soeur et son frère. En se rendant à la première du film, à Hornu, la fillette a appris les impitoyables règles du monde du cinéma...
Jean Jenevois: « Il s'appelait surtout Kriek »
Sans avoir directement participé au film, Jean Genevois a observé attentivement le
tournage. Il explique le ressenti de la population vis-à-vis de ce dernier, et révèle que Kirk Douglas s'appelait surtout "Kriek".
Les habitants ont été bouleversés par l’arrivée d’Hollywood au Borinage. Comme nos témoins l’ont mentionné, de nombreuses personnes n’avaient jamais été au cinéma.
Le film a permis de prendre conscience de la situation précaire des mineurs, peu considérés à l’époque.
Soixante ans plus tard, ils s’en souviennent encore et racontent avec joie leur expérience d’apprentis acteurs d’un jour.
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60 ans plus tard, le film revit
Soixante années se sont écoulées depuis l'arrivée d'Hollywood au pied du terril. Aujourd'hui, et jusqu'à la fin de cette année, Mons est une des capitales européennes de la culture, titre qu'elle
partage avec la ville de Plzen, en République Tchèque. A ce titre, la ville a développé de nombreuses activités pour attirer les visiteurs : expositions, pièces de théâtre, spectacles...
Bien entendu, le septième Art est, lui aussi, au centre des attentions.
A cette occasion, Philippe Reynaert, le Monsieur cinéma de Mons 2015, a décidé de restaurer le film "Lust for Life".
Il lui a fallu quatre mois pour retrouver les traces du film, qui était passé d'une industrie à l'autre, suite à plusieurs faillites.
Après avoir trouvé les propriétaires, en la célèbre société Warner, Philippe Reynaert s'est faufilé dans la délégation du Prince
Philippe, qui se rendait aux Etats-Unis pour une mission économique. Au terme d'une discussion avec les dirigeants, il a obtenu
l'autorisation de remasteriser le film.
Mais Monsieur Cinéma ne voulait pas s'arrêter en si bon chemin ! Après réflexion, il a chargé Henri de Gerlache de réaliser un documentaire
sur ce film. Le réalisateur, aidé par le photographe Rino Noviello, a recueilli de nombreux témoignages et a monté "Hollywood au pied du terril",
un documentaire de 26 minutes retraçant le déroulement du tournage.
Philippe Reynaert, qui avait accompagné l'équipe lors des rencontres avec les figurants, se souvient, avec émotion, du premier entretien.
Philippe Reynaert, le Monsieur Cinéma de Mons 2015
Soixante ans plus tard, le film réapparaît sur les écrans, accompagné d'un documentaire, mais aussi d'une exposition. Après avoir rencontré les anciens figurants,
les organisateurs se sont retrouvé avec une série de photographies, d'objets qu'ils ont voulu présenter au public.
C'est ainsi que s'est montée l'exposition "Hollywood au pied du terril", située aux Anciens Abattoirs, rue de la Trouille.
Le livre d'or de la maison communale dédicacé par Vicente Minelli et son équipe.