Playstation 4
17
Nov
2015

Nordine (nom d'emprunt) a été la cible de recruteurs pour aller faire le djihad. Il explique comment il a été approché.

Le recruteur utilisait aussi sa console de jeux pour discuter en Syrie. Crédit : CC Léon Terra

Nordine (nom d'emprunt) a été la cible de recruteurs pour aller faire le djihad. Il explique comment il a été approché.

17 Nov
2015

“Je parlais à un recruteur de Daesh via ma PlayStation”

Nordine (nom d’emprunt) est un de ceux qui ont résisté aux djihadistes. Le Bruxellois souhaite se confier sans risque d’être reconnu par son ancien recruteur. Témoignage.

« J’aurais pu, moi aussi, partir en Syrie faire le djihad. Il y a quelque temps, j’ai croisé un gars qui venait de sortir de prison. Je ne le connaissais pas. Je ne savais pas, à ce moment-là, qu’il était recruteur pour Daesh.

On a échangé quelques banalités et puis il a commencé à tenir des propos étranges. Il me parlait du droit chemin qu’il aurait rejoint et qu’il fallait que, je rejoigne, moi aussi. J’ai trouvé ça bizarre, mais dit comme ça, j’étais d’accord avec lui.

Puis on s’est revu. Plusieurs fois. Il y avait tout le temps d’autres gens, donc on ne discutait pas vraiment sérieusement. Il a pris mon numéro, ensuite. Pourtant, il refusait de me téléphoner. Selon lui, ce n’était pas sécurisé. Je n’ai pas relevé.

“Il me savait fragile”

Il m’a alors proposé une solution pour qu’on communique. J’avais, comme beaucoup de jeunes, un compte personnel sur le réseau de ma PlayStation. Il en avait un, lui aussi. J’ai appris plus tard qu’il l’utilisait pour contacter des gens en Syrie. On s’est ajouté et on a discuté. Au cours de nos premières conversations en ligne, ses intentions se sont précisées. Son discours était clair : il fallait que je parte en Syrie. Selon lui, la Belgique ne m’aimait pas, et de toute façon, c’était un pays de mécréants. Ma place serait au côté de mes frères musulmans qui font le djihad. Lui, par contre, resterait en Belgique, pour continuer sa mission : recruter des futurs soldats.

Il avançait des arguments auxquels je n’étais pas insensible. À l’écouter, si je partais, ma famille serait fière de moi, Allah serait fier de moi. Il me savait jeune et sans emploi. Il me savait fragile. D’une voix toujours gentille, il me promettait de changer le cours d’une vie qu’il jugeait jusqu’ici vide de sens. Il me rassurait, aussi : tu seras encadré, il y a des gens de Bruxelles qui sont déjà là-bas et qui t’attendent.

Bien sûr, j’ai été tenté. Pour me convaincre, il me citait des extraits de textes sacrés. Il fallait tuer les infidèles, le Coran le recommandait selon lui. Je ne devais pas m’en faire pour l’argent, on me l’avait juré. Si je le désirais, mon ami pouvait me mettre en contact, via le réseau, avec des djihadistes sur place qui financeraient mon voyage. Je n’avais qu’à dire oui. J’étais seul, devant ma console, avec mes doutes.

“J’ai décidé d’en faire part à mon imam”

Parce que le recruteur m’avait prévenu, il ne fallait pas que j’en parle. Et je ne voulais de toute façon pas que ma mère l’apprenne, elle se serait inquiétée. J’avais peur de sa réaction, en un sens. Pourtant un jour, après la prière, j’ai décidé d’en faire part à mon imam. Je lui ai expliqué la situation et à partir de ce moment, il ne m’a plus lâché. Chaque soir, pendant des heures, il me parlait du Coran et de sa juste interprétation. Un à un, il m’a éclairé sur les textes que le recruteur m’avait envoyés en guise d’arguments pro-Daesh. Pris seuls, ils pouvaient être compris comme une incitation à partir en Syrie. Dans le contexte, c’était tout à fait différent. Comment avais-je pu croire qu’un livre qui dit “Celui qui tue un innocent tue toute l’humanité” puisse nous demander d’aller combattre les non-musulmans ?

Alors j’ai envoyé un message à mon recruteur. Je lui ai avoué que j’avais parlé à l’imam. Son ton a tout de suite changé : il était plus agressif. Il m’a répondu que l’imam mentait, qu’il était sûrement manipulé par l’État belge. Il a ajouté que je le regretterais et depuis, nous n’avons plus de contact. Je pense qu’il m’a supprimé de son réseau – je ne vois plus s’il se connecte, en tout cas.

La nuit de vendredi, le 13 novembre, en regardant les images des attentats à Paris, j’ai compris. Jamais plus je ne douterai. Je n’aurais pas été capable de tuer des innocents à bout portant. Qu’ils soient “infidèles” ou pas.”

*Nom d’emprunt

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2 Responses to ““Je parlais à un recruteur de Daesh via ma PlayStation””

  1. […] pour une autre, sans doute pour un faisceau de raisons, ils ont rempli leur vide existentiel par les promesses du Djihad : ils seraient des héros qui rétabliraient de la justice. Les types du Bataclan ont apparemment […]

  2. Martin.yoan87@gmail.com' Yoan dit :

    Ravis de savoir que certain musulmans ne tombent pas entre les mains des barbares.

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