Environ 45% des jeunes affirment ne pas avoir du tout confiance en la politique. C’est en tout cas ce qu’il ressort de l’enquête Génération quoi ? auprès des jeunes. Parmi les 18 à 25 ans (6 570 répondants), 57% ne se sont jamais engagés dans une organisation politique par manque d’intérêt. De plus, un peu plus de la moitié considère les hommes politiques comme étant corrompus. Trois quarts d’entre eux considèrent aussi que les politiques ont encore et toujours du pouvoir à l’heure actuelle.
De précédentes études avaient montré des résultats moins tranchés. Un sondage réalisé en 2009 par l’ULG et Dedicated Research, relayé par le journal Le Soir, avait montré que 86 % des jeunes de 18 à 21 ans pensent qu’il est utile, voire très utile de voter. Ils se sentent concernés par les décisions prises par les dirigeants. Ceci étant, deux jeunes sur trois parmi eux s’intéressent peu, voire pas du tout, à la politique.
Pour comprendre ce désintérêt persistant pour la politique, nous sommes allés à la rencontre de jeunes âgés d’une vingtaine d’années. Tous nous décrivent leur sentiment d’impuissance face à une politique qu’ils jugent distante et peu compréhensible.
La politique, pas suffisamment enseignée à l’école
Les jeunes ne reçoivent pas systématiquement un enseignement relatif à la politique. Maïlly, employée de 19 ans, le déplore : « On n’en parle pas assez aux jeunes. Rien n’est mis en place dans les écoles pour connaître les bases. Lorsque les politiciens interviennent, par exemple à la télévision ou la radio, les trois quarts des mots employés sont incompréhensibles.” Et d’ajouter : “Il faudrait expliquer les différents partis, ce qu’ils ont en commun ou pas, ainsi que le vocabulaire liés à la politique. » Une piste à aborder est, comme le pense Johanna, étudiante en communication de 24 ans, de faire intervenir la politique dans les applications, les discussions, des évènements, des débats. « La jeunesse est de plus en plus présente sur Internet. C’est là qu’il faut venir les conscientiser de l’importance de la politique. »
L’avis d’une enseignante
Anne Descamps, enseignante en secondaire, trouve elle aussi qu’il y a un manque de formation à la politique dans l’enseignement. “C’est dû aux programmes scolaires. Il y a, en effet, une grosse lacune à ce niveau ! » L’enseignante considère que l’apprentissage des notions de base de la politique belge est « la base de notre société et, malheureusement, divers élèves restent bloqués sur leurs préjugés et leurs idées trop carrées et non fondées. Personnellement, j’informe mes élèves le plus tôt possible et particulièrement les plus jeunes, en montrant les dégâts faits par une mauvaise politique. Il faut montrer l’Histoire ! » juge l’enseignante.
Des politiques sourds et mal vus
Les jeunes se sentent moins concernés, moins écoutés, comme le confirme Joïse, étudiante en pédagogie de 20 ans : « Quoi que l’on dise ou fasse, nous ne sommes pas écoutés. Les politiques ont toujours fait ce que bon leur semble et, malheureusement, nous n’avons aucun pouvoir face à eux. »
Jade, étudiante en relation publique de 23 ans, tente d’expliquer d’où provient cette image négative qu’elle a des politiques : « Pour les gens de notre âge, la politique paraît soit trop compliquée, soit le système les dégoûte. La politique en elle-même n’est pas dérangeante, mais les politiciens sont tellement manipulateurs et vicieux que dès que tu entends un politicien parler, tu te méfies de lui. Parfois, ils agissent vraiment comme des enfants capricieux et font “ce qu’ils veulent” comme, par exemple, avec l’affaire Fillon. Au final, ça ne fait que donner une mauvaise image à la politique, alors que ce sont les politiciens le problème.”
Amandine, étudiante en stylisme de 21 ans, reprochent quant à elle le manque de transparence dans les actes, discours et promesses que tiennent les politiciens.
Contrairement aux autres intervenantes, Charline, employée (25 ans), s’est toujours intéressée à la politique et constate elle-même la cause du désintérêt : « Plus tu t’y intéresses, plus tu comprends pourquoi la majeure partie des gens s’en foutent. Autant d’énergie dépensée pour rien nous donne un sentiment d’impuissance. »
« Démocratie quoi …? Non mais sérieux vous pensez vraiment que la démocratie existe ! »
Charlotte, elle, ne croit pas vraiment en l’existence d’une démocratie : « Non, mais sérieux vous pensez vraiment que la démocratie existe ! Tout est contrôlé, partout. On nous fait croire qu’on a des droits et des devoirs, mais en réalité, on est tous acteurs dans une télé-réalité. Notre vie est rythmée tel un match de catch ; le vainqueur, le perdant, les prises et les façons de s´en sortir. On nous laisse croire à une échappatoire, mais celle-ci a été créée par nos chers dirigeants. Pour vivre au Rwanda et être témoin d’une politique différente de celle de la Belgique, je vous assure que le système dans lequel je vis là-bas fait davantage preuve de transparence ! Au Rwanda, les choses sont dites et tu les respectes ! En Belgique, les politiciens sont soi-disant élus, mais au nom de qui ? Au nom de quoi ? Qui a vraiment ouvert et lu les programmes avant d’aller voter ?! Ce serait ce genre de questions que je poserais au grand public afin de les sensibiliser ! Donc la démocratie rêvée serait un système plus transparent. »
Camille, 20 ans et future ingénieur du son, explique que les échos donnés par sa famille a pu causer son manque d’intérêt pour la politique. Johanna, confirme cette hypothèse : « Nous avons beaucoup d’a priori négatifs par rapport à la politique, notamment les discours politiques faits de promesses. On part aussi souvent du principe que la politique est compliquée. »
Pour une politique avec un ton plus jeune
Une autre manière de parler de politique peut être une solution à la crise de confiance. “Pour qu’on s’y intéresse, il faudrait peut-être mettre une personnalité connue des jeunes ou que les politiques nous prouvent qu’ils pensent à la population”, estime Joïse.
Charline, elle, pense à instaurer un débat télévisé avec des enfants. Son idée serait de lister les plus grandes aberrations du fonctionnement politique, en vulgarisant les sujets évidemment, et de demander l’avis des petits. Les enfants seront alors, dès leur plus jeune âge, ciblés et pris en compte dans la société.
Une démocratie de rêve
« Une démocratie doit être participative ! Ou sinon ? Qu‘est-ce qui est vraiment démocratique ? » affirme Joïse. La jeune femme considère que « l‘idéal serait une démocratie dans laquelle les citoyens ont réellement leur mot à dire. Où le citoyen se sent impliqué et réellement écouté. Des dialogues politiques citoyens seraient les bienvenus pour que nous puissions comprendre leurs décisions et eux, nos attentes. »
Johanna, quant à elle, pense que « la démocratie participative est une bonne initiative pour augmenter l’implication des citoyens dans la vie politique. Elle permet aussi de renforcer le rôle des citoyens dans les prises de décision. C’est important de pouvoir profiter de ces occasions pour se faire entendre. Selon moi, il ne s’agit pas que des dispositifs soient mis en place, mais que les citoyens s’en servent ! » Amandine, elle, rêve d’une démocratie la plus transparente possible afin d’améliorer la compréhension et l’implication du citoyen. Une piste parmi d’autres qui pourrait nourrir la réflexion des partis politiques.
Camille De Pricjk
Dossier spécial “démocratie participative”
La démocratie participative peut-elle offrir une piste sérieuse de renouveau politique ? Qui touche-t-elle ? Que proposent, d’une part, les nouveaux acteurs et, d’autre part, les partis traditionnels comme réflexions ? Le Bruxelles Bondy Blog répond à toutes ces questions.
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