À nos yeux, l’actualité relayée par les médias semble bien morose. On n’entend parler que des problèmes du monde. Pourtant, ce n’est qu’une partie de la réalité. Partout, des initiatives fleurissent pour mettre en avant des solutions pour notre avenir. Et les citoyens, lassés des nouvelles maussades, ont besoin d’entendre parler de ces nouvelles positives, de ces propositions d’avenir. C’est l’ambition du journalisme de solution, qui se positionne comme une alternative au traitement traditionnel de l’information.
Impact Journalism day : le point de départ d’une réflexion
Le journal Le Soir participe depuis cinq ans à l’Impact Journalism Day. Cette initiative a été lancée par Christian de Boisredon, le créateur de Sparknews. Une centaine de journaux de différents pays collaborent pour publier durant une journée des articles traitant d’initiatives locales.
L’idée est de partager des sujets qui portent une dimension durable, éducative et sociétale. « L’association entre l’économie et des sujets humains, sociétaux et environnementaux nous a attirés dans le projet », explique François Mathieu, rédacteur en chef adjoint et responsable du projet au Soir. Pour lui, les lecteurs et les citoyens sont demandeurs de ce type d’informations positives qui présentent des solutions à un problème.
« Le journalisme de solution est fondamental car il permet d’expliquer ce qui fait notre monde et en rendre compte. » François Mathieu
Quand ils se sont lancés dans le projet, les journalistes du Soir sentaient que c’était important mais ils ne se rendaient pas encore compte à quel point, relate le rédacteur adjoint. C’est quand les résultats de l’enquête Noir Jaune Blues sont tombés qu’ils ont découverts qu’ils n’étaient plus en phase avec leur lectorat. Cette étude a pointé une énorme crise de confiance dans les médias et dans les institutions : en 2016, huit Belges sur dix n’ont plus confiance dans la presse. Les journalistes du Soir ont compris que pour être lu, « il faut intéresser les lecteurs et parler de ce qui les touche au quotidien. »
La profession vit aussi une période économiquement difficile. Il faut donc faire des choix et trouver ses priorités. Pour François Mathieu, « le journalisme de solution représente un atout pour l’avenir du journalisme, mais à côté d’autres forces comme l’investigation et l’originalité de l’info. » Il considère le journalisme humanisé, incarné comme le futur du journalisme.
Premiers pas belges
Le Soir n’est pas le seul média à avoir entamé une réflexion autour du journalisme de solution. Plusieurs autres rédactions l’ont aussi amorcée grâce à l’initiative de Reporters d’Espoir. Cette ONG française accompagne les journalistes dans une démarche de journalisme constructif. “Si c’était peu connu il y a quelques années, c’est aujourd’hui une approche médiatique qui suscite beaucoup d’intérêt”, témoigne Gilles Vanvolsem, coordinateur de Reporters d’Espoir. “De nombreuses rédactions s’intéressent à nos actions, notamment parce qu’elles se sentent démunies face aux défis journalistiques actuels.”
Outre Le Soir, Reporters d’Espoir a travaillé avec RTL Belgique, en leur proposant du contenu pour la radio et la TV. Il s’agissait de mettre en avant « des actions reproductibles qui donnent l’envie d’agir dans un sens de développement durable, et qui font face à un défi de société. »
Reporters d’Espoir et La Première (RTBF) ont également collaboré pour produire l’émission Utopia : des citoyens étaient invités en studio pour parler d’un projet qui les avait touchés. « On est tous reporters d’espoir. Il suffit d’ouvrir les yeux pour voir qu’il y a des initiatives positives partout », détaille Gilles Vanvolsem pour expliquer l’intérêt de la démarche.
Aujourd’hui, Gilles Vanvolsem réfléchit, avec plusieurs acteurs médiatiques belges, à la mise en place d’une organisation neutre et indépendante pour promouvoir le journalisme constructif en Belgique. À travers une série de rencontres et le partage d’expériences, leur objectif est de démystifier le journalisme constructif.
Selon Gilles Vanvolsem, la critique la plus récurrente à l’encontre du projet est que « ce n’est pas du journalisme que de montrer un monde de bisounours où tout va bien. Or, ce n’est pas le projet du journalisme de solution. Il s’agit par contre, face à un événement d’actualité, de montrer ce qui n’a pas été mais aussi ce qui a été. C’est la tâche du journaliste de refléter toute la réalité. »
Ouvrir les horizons : Imagine, un précurseur
Cette manière de traiter l’information, le magazine Imagine demain le monde l’applique depuis 1996. Créé par Jacky Moral et André Ruwet dans un contexte politique marqué par la crise de la vache folle, de la dioxine et autres scandales sanitaires, le média a pour objectif initial de développer un périodique qui porte des questions de société et d’écologie. Aujourd’hui indépendant de tout parti politique, le magazine était à l’époque lié au parti Ecolo. Imagine cherche à insuffler des idées nouvelles, à être critique, tout en étant force de proposition.
Hugues Dorzée est rédacteur en chef du magazine depuis quatre ans. Pour lui, le journalisme de solution « doit rester dans l’innovation, dans la prospective, être au plus près des changements de société ». Ce type de journalisme doit pouvoir cibler les véritables enjeux du moment : crise climatique, chômage de masse, inégalités sociales et immigration. Il doit être vivant et ancré dans la réalité sociale.
Pour Hugues Dorzée, le journalisme de solution doit être au service d’une société plus égalitaire et humaniste, moins destructrice pour l’environnement. « Je pense que c’est un devoir en tant que média de mettre en avant des choses qui construisent plutôt qui ne détruisent. » Il s’agit, face à un problème, de toujours apporter une alternative, une proposition, « de ne pas laisser le lecteur face à ses interrogations ou face à ses déceptions ». Ce projet éditorial est également celui de Demain, film à succès qui présente des pistes pour un monde durable. Et comme le soulignent certains lecteurs, « Imagine fait Demain depuis vingt ans ».
« Qui dit solution, dit temps et mise en perspective. Il faut remettre les choses dans leur complexité, » explique Hugues Dorzée, le rédacteur d‘Imagine. Les solutions proposées nécessitent une compréhension complète d’une situation dans toutes ses nuances. « Il faut aussi pouvoir rester dans la critique, montrer les échecs, les difficultés rencontrées lors de la réalisation d’un projet, sinon le lecteur est emmené dans une forme de manipulation. »
4 conseils pour mettre en pratique le journalisme de solution
- Explorer des domaines peu couverts médiatiquement mais sur des thématiques qui représentent les priorités des gens : emploi, santé, éducation et environnement.
- Privilégier les rencontres au coin de la rue. On peut trouver des personnalités innovantes et inspirantes porteuses de solutions près de chez soi.
- Ne pas être dans l’angélisme ni dans la fascination. Garder une distance critique, tout en étant dans l’empathie et la compréhension.
- Remettre la question abordée dans sa complexité. Si la solution peut être locale, elle doit aussi pouvoir être pensée à un niveau global.