Mercredi 8 février sortait en salle l’adaptation cinématographique de “Seuls”, l’une des séries de bandes dessinées jeunesse les plus populaires de ces dernières années. Une adaptation qui s’inscrit dans une volonté du cinéma français de porter à l’écran son patrimoine de la BD.
“Seuls” est très loin de l’être. En effet, ces dernières années, les adaptations de bandes dessinées sont de plus en plus nombreuses que ce soit au très prolifique Hollywood ou dans la plus modeste industrie du cinéma français. Spirou et Fantasio, Cédric, le petit Spirou, Gaston Lagaffe, Boule & Bill 2… ce ne sont là que quelques exemples des projets cinématographiques qui vont prochainement voir le jour parmi le vivier, extrêmement riche, de la bd franco-belge. Selon Laurent Devault, directeur du développement audiovisuel de Média Participations, groupe contenant notamment Dupuis, Dargaud et Le Lombard, cette tendance date de la première véritable adaptation en “live-action” (comprenez un film avec de vrais acteurs, pas en animation) d’une bd franco-belge en 2003 : Michel Vaillant, par Luc Besson. Depuis, les projets se sont multipliés jusqu’à atteindre, toujours selon Laurent Devault, une cinquantaine en 2017.
Une influence venue d’Hollywood
Mais d’où vient cette volonté grandissante du cinéma français d’adapter notre patrimoine du neuvième art ? Pour Matthieu, libraire dans une enseigne du Boulevard Anspach à Bruxelles, c’est dû à plusieurs éléments : “Je pense que cet intérêt du cinéma pour la bande dessinée franco-belge est en partie liée à ce qu’il se passe à Hollywood avec les adaptations de comics“. En effet, cela fait près de quinze ans que le cinéma américain gave son public de films de super-héros tirés de divers comics au point que le nombre de films super-héroïques qui sortent dans les salles atteint la demi-douzaine par an ces deux dernières années. De plus, Hollywood n’a que peu d’intérêt pour les BD franco-belges, si ce n’est les grands succès tels que Tintin ou les Schtroumpfs. C’est donc à l’industrie francophone que revient le rôle d’adapter les productions de notre côté de l’Atlantique.
Manque d’imagination
Philippe, également libraire à Bruxelles a un avis très tranché sur la question des portages de BD à l’écran : “J’ai été en voir à une époque et j’ai trouvé ça mauvais. Je vais souvent au cinéma, mais pas pour voir ce genre d’adaptations. Je trouve que ça n’a pas d’intérêt, que ça manque d’imagination et ça explique pourquoi beaucoup ne fonctionnent pas“. Il est vrai qu’un certain nombre de films tirés de BD sont assez mal reçus, que ce soit par le public ou par la critique. Dernièrement, “Lucky Luke” et “Benoit Brisefer”, par exemple, se sont sévèrement plantés. Mathieu, lui, soulève un autre problème : “Parfois le cinéma prend le pas sur la bande dessinée. “Valérian” par exemple est un film tiré d’une BD qui s’intitule “Les aventures de Valérian et Lauréline” mais Luc Besson, par souci de facilité a appelé son film “Valérian”. Du coup la réédition de la BD a adopté le titre du film… Je trouve ça vraiment dommage parce que ça dénature le matériau de base“.
Une adaptation est forcément une forme de traduction d’un langage artistique à un autre, qui s’apparente à une trahison aux yeux de certains. Ceci pourrait amener certains auteurs à refuser une cession de leur droit d’adaptation, soucieux de l’authenticité de leur création.
Regain d’intérêt
L’adaptation de BD n’a pourtant pas que des mauvais côtés. Les films permettent à certains de découvrir ou de redécouvrir les bandes dessinées originales. Il se peut d’ailleurs que la sortie prochaine de toute une série de films comme “Raoul Taburin” ou encore “Valérian” dopent, comme c’est le cas pour les comics américains, les ventes d’albums de ces séries dans un marché ou la concurrence est rude. En effet, les films de super-héros américains ont engendré une spectaculaire montée des ventes de comics qui atteignent maintenant près de 20 % des ventes de bandes dessinées en Europe et environ 50 % de la vente mondiale.
Les ventes de la bande dessinée franco-belge ont, elles, tendance à stagner. Mais qui sait, peut-être qu’avec les nombreuses sorties de films tirés de BD prévues ces prochaines années (cinq films pour 2017) la BD européenne connaîtra, elle aussi, un nouvel essor.
Reste à espérer que les adaptations à venir soient plus inspirées que celle de “Seuls”. Terrible nanar, à mourir d’ennui…