Le 25 novembre dernier, la Belgique a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour avoir infligé des mauvais traitements à un détenu. C’est l’occasion de se pencher sur les conditions de vie des prisonniers dans nos prisons.
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Dormir dans une cellule de 8m² avec deux codétenus, un simple seau à la place de toilettes. C’est l’une des expériences choquantes que M. Vasilescu, détenu à la prison d’Anvers, a vécu pendant quelques semaines. Il a invoqué l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme pour porter plainte devant la CEDH contre l’Etat Belge. Et il a gagné. La Belgique a été condamnée à lui verser 10.000€. Dans l’arrêt, la Cour « recommande à la Belgique d’envisager l’adoption de mesures générales afin de garantir aux détenus des conditions de détention conformes à l’article 3 de la Convention ». En clair, c’est toute la politique carcérale belge qui est pointée du doigt.
La Belgique n’est pas un bon élève en ce qui concerne le respect du règlement pénitentiaire établi par le Conseil de l’Europe. Ce n’est pas la première fois que la Cour européenne condamne notre pays, nous dit Manuel Lambert, juriste et coordinateur de la Ligue des droits de l’homme. « La santé des personnes atteintes de troubles mentaux en prison fait l’objet de condamnations répétées de la part des instances internationales. » Six arrêts ont été rendus entre 2009 et 2013 concernant des mauvais traitements sur des détenus atteints de problèmes psychiatriques – peut-on lire dans un rapport de la CEDH.
Plusieurs éléments sont à l’origine de la qualité déplorable des prisons belges. En première place, la surpopulation : en 2011, une prison belge comptait en moyenne 128 détenus pour 100 places. Les chiffres augmentent chaque année (voir infographie ci-dessous). Ensuite, la vétusté des bâtiments : beaucoup de cellules n’ont pas d’eau courante, donc pas de toilettes. Manuel Lambert explique que les droits des détenus sont souvent bafoués. « Le droit à la santé n’est pas respecté. Il y a un grand déficit de médecins dans les pénitenciers et certaines pathologies ne sont même pas traitées. Il y a aussi des problèmes à l’égard des droits économiques et sociaux des prisonniers. » Enfin, très peu de moyens sont investis dans la réinsertion des détenus, l’investissement est concentré sur le caractère punitif de la prison.
« Il y a un réel problème structurel concernant les prisons belges. Seul le pouvoir politique peut le résoudre », estime le coordinateur de la Ligue des Droits de l’Homme. Le nouveau gouvernement fédéral s’est engagé à mettre en œuvre les Masterplans pénitentiaires I et II. Ces programmes ont pour objectif de lutter contre la surpopulation carcérale via la rénovation de cellules vétustes et la construction de nouvelles prisons. « Malheureusement, cet engagement ne va pas permettre de lutter contre le trop-plein de détenus dans les prisons », nous confie Manuel Lambert. « L’expérience nous montre que l’augmentation de la capacité pénitentiaire n’a pas d’impact sur la population carcérale. C’est sur les politiques pénales qu’il faut agir. Construire de nouvelles prisons n’a pas vraiment de sens. » A ce sujet, le gouvernement s’est engagé à envisager d’autres voies que le recours à la prison pour sanctionner des délits. « Une réflexion approfondie concernant la peine appropriée à prévoir pour les infractions de moindre gravité sera menée avec comme objectif final de remplacer dans le Code pénal la peine d’emprisonnement par une peine de travail, une peine de surveillance électronique ou la probation autonome afin d’utiliser effectivement la peine de prison comme remède ultime. Pour les infractions les plus graves, la peine de prison est dans chaque cas maintenue. » Bref, l’accord gouvernemental montre un désir de désengorger les prisons. Reste à voir si ces bonnes intentions seront mises en pratique malgré la diminution des investissements publics par le gouvernement.